Soutien à Paul Biya: Le chantage de Bello Bouba et Issa Tchiroma

Alors que la présidentielle de 2025 se profile à l’horizon, ces deux « alliés » du Grand-Nord émettent des sons discordants à l’égard du régime de Yaoundé, remettant en cause un pacte politique tacite qui aura longtemps assuré un soutien électoral massif au président de la République dont la candidature à sa propre succession est une hypothèse majeure.

Bello Bouba et Issa Tchiroma, promo menacent de rompre l’alliance politique qui les lie à Paul Biya dans la cadre de l’élection présidentielle prévue en octobre prochain. En effet, le premier, ministre du Tourisme et président de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) et le second, ministre de l’Emploi et président du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), posent désormais des actes de rupture vis-à-vis d’Etoudi, remettant en cause un pacte politique tacite qui aura longtemps assuré un soutien électoral massif au président de la République dont la candidature à sa propre succession est une hypothèse majeure. L’un des signaux les plus forts de cette rupture est venu d’Issa Tchiroma Bakary, parti allié au RDPC depuis plusieurs scrutins présidentiels. Le 13 juin dernier, dans son fief électoral de Garoua, Issa Tchiroma a tenu un discours d’une virulence inhabituelle contre le pouvoir qu’il soutient pourtant officiellement, prenant à témoin une foule acquise à sa cause.

Dans un langage direct, livré en langue locale, il a attribué la responsabilité des souffrances du Septentrion – chômage massif, pauvreté persistante, marginalisation institutionnelle – au régime en place. « Les hommes pouvaient travailler comment alors qu’ils postulent aux concours, on ne les prend pas, on ne les aide pas, on ne fait rien pour eux ? Nous sommes dans la misère. Quelqu’un qui cherche son bonheur viendra vous dire qu’il faut voter pour rester dans la pauvreté. N’est-ce pas un malheur ? C’est un malheur », a-t-il affirmé avant d’insister : « Si un jour, moi Issa Tchiroma, vous demande de voter pour ce qui vous apporte du malheur, c’est que je suis un méchant ».

Au-delà du ton, le fond de son propos sonne comme un appel implicite à tourner le dos au président Paul Biya lors de la prochaine échéance électorale. « Aujourd’hui, on n’a pas pu vous sortir des problèmes d’hier. Mais si maintenant on se rassemble tous, on va vous faire sortir des problèmes pour toujours. Voilà pourquoi je vous dis (…) le Seigneur nous a réveillés, c’est le moment de semer. Il faut que chacun se prépare à faire son travail. Chacun, le moment venu, doit mettre dans son enveloppe ce qui va nous faire sortir du malheur dans lequel nous vivons depuis 42 ans », a-t-il lancé, dans un discours soigneusement codé.

Bello Bouba n’est pas en reste. Le 28 juin prochain, le Comité central de son parti politique se réunira à Yaoundé. Des voix internes appellent déjà à une rupture avec le RDPC, dans un contexte où le leadership de Bello Bouba Maïgari, président de l’UNDP, est de plus en plus contesté. De plus, de nombreuses s’élèvent au sein du parti pour décrier que l’alliance avec le Rdpc bénéficie uniquement à la personne de Bello Bouba. À quelques mois de l’élection présidentielle l’Undp semble d »sormais prête à rompre avec son allié historique, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). Ce changement de cap, longtemps revendiqué par la base militante, est désormais ouvertement soutenu par la hiérarchie du parti.

Saïdou Maïdadi Yaya, membre du bureau politique, affirme sans détour : « Personnellement, je suis convaincu que le parti aura son candidat à la présidentielle. Vraisemblablement le président Bello Bouba Maïgari ». Selon lui, ce dernier « a le meilleur profil et la plus grande maîtrise des affaires du pays », et « peut assurer le plus grand nombre de ralliements en dehors du parti ». Autrement dit, dans la perspective de la présidentielle prévue au mois d’octobre prochain, l’UNDP envisage une rupture avec le RDPC, mais n’exclut pas une alliance avec un ou plusieurs autres partis de l’opposition.

Comité central élargi…

L’on peut ainsi comprendre pourquoi, dans la note convoquant la rencontre du 28 juin, le président national Bello Bouba Maïgari indique : « Compte tenu de l’importance de l’ordre du jour, le Comité central ainsi convoqué est exceptionnellement élargi aux membres du Conseil national et aux membres du Secrétariat permanent des comités directeurs des organes annexes. » Pour Saïdou Maïdadi Yaya, cela dénote que la question sera effectivement débattue et que l’actuel ministre d’État en charge du Tourisme et des Loisirs s’en tiendra aux résolutions qui en découleront : « Sous réserve de ce Comité central, je peux dire que Bello Bouba Maïgari s’est toujours soumis à ses décisions. Les soutiens en 2004, 2011 et 2018 étaient décidés par le Comité central. Même le boycott de 1997. »

De toute façon, les signes de la fracture entre l’UNDP et le RDPC sont perceptibles depuis quelque temps, notamment dans l’Adamaoua, fief du parti de Bello Bouba Maïgari. En effet, si l’UNDP règne en maître depuis des décennies dans cette région, le RDPC rêve d’inverser la tendance. Et le coup d’envoi de cette reconquête a été donné lors des municipales de 2020 : dans le département du Mbéré, le parti de Paul Biya a raflé toutes les communes. Une démonstration de force qui contraste avec la situation dans les autres départements, où l’UNDP exploite habilement les failles de son rival circonstanciel.

Dans le même sillage, Abdouraman Babba Hamadou, figure médiatisée du Nord et promoteur du concept de la « VAR politique », a récemment lancé un appel vibrant à un « sursaut républicain national en vue de la présidentielle de 2025 ». Dans une tribune largement partagée, il a affirmé : « Je continue toujours de penser que pour récupérer notre pays lors de la prochaine élection présidentielle, il faudra fédérer les partisans du changement d’où qu’ils viennent et de quelque bord qu’ils soient. Faisons souffler le vent du changement dans tous les coins et recoins du Cameroun ! »

Bien que Tchiroma, Bello Bouba et Babba Hamadou n’appartiennent pas au même bord, leurs appels convergent sur un même objectif : rassembler les forces du changement dans une région longtemps considérée comme un bastion électoral du pouvoir.

Maixent Fegue avec Sbbc

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