Douala : Un avocat piétiné par des gendarmes

Le 27 novembre 2024, une scène de piétinement captée en vidéo a révélé l’agression d’un avocat, Tristel Richard Tamfu Ngarka, par des gendarmes à Douala.
C’est une vidéo d’une rare violence. Depuis le 27 novembre 2024, une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux a provoqué une vague d’indignation au Cameroun. Elle montre Tristel Richard Tamfu Ngarka, avocat au Barreau du Cameroun, violemment agressé par des hommes en tenue, qui le frappent et le piétinent sans ménagement dans l’arrière d’un véhicule pick-up, supposément celui de la gendarmerie. Des témoins, sous le choc, expriment leur indignation, mais les agresseurs poursuivent méticuleusement leur acte.
La scène a choqué l’opinion publique, d’autant plus qu’elle se déroule alors que l’avocat était en plein exercice de ses fonctions. Selon Me Mbah Eric Mbah, bâtonnier de l’Ordre des avocats, Maître Tamfu avait été sollicité pour assister un client, convoqué par la gendarmerie du groupement de Douala-Bonanjo. La situation dégénère lorsque les gendarmes, malgré la nature de la convocation, tentent d’interpeller l’individu. L’avocat s’y oppose fermement, déclenchant ainsi l’attaque à son encontre.
Blessé, Maître Tamfu a été transporté à l’hôpital Laquintinie de Douala pour recevoir des soins d’urgence avant de regagner son domicile quelques jours plus tard. L’incident survient dans un contexte de tensions croissantes autour des pratiques des forces de l’ordre, à la suite de la diffusion d’une mise en garde du Secrétaire d’État à la Défense, Galax Yves Landry Etoga, incitant les gendarmes à éviter les actes de torture et de violence.
Le 28 novembre 2024, en réponse à l’incident, le commandant de la légion de gendarmerie du Littoral a ordonné l’ouverture d’une enquête judiciaire pour faire la lumière sur les faits. Les résultats de cette enquête sont attendus dans les 72 heures suivant l’ordre. Cette initiative a été saluée par de nombreuses organisations, mais elle intervient après une série de dénonciations répétées des abus des forces de sécurité.
Le « Mandela Center International », une organisation de défense des droits humains, a dénoncé ce qu’il qualifie d’« énième usage excessif de la force » et a rappelé que le Cameroun venait récemment de comparaître devant le Comité des Nations unies contre la torture, à Genève. Lors de cette audition, le comité onusien a recommandé à l’État camerounais de réformer son Code pénal pour tenir les supérieurs responsables des actes de torture commis par leurs subordonnés. Ces recommandations n’ont visiblement pas eu l’impact escompté.
La situation a également relancé les démarches internationales pour la défense des droits humains. Le 30 octobre 2024, le Réseau de défense des droits humains et des libertés au Cameroun (Redhac) a annoncé l’envoi de courriers à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi qu’à la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la torture. Ces démarches ont été déclenchées par un autre incident médiatisé, celui du musicien Longuè Longuè, qui a diffusé en octobre une vidéo montrant des sévices subis en 2019, alimentant ainsi les accusations de torture systématique.
Cet incident tragique met en lumière la persistance de la violence au sein des forces de l’ordre et l’inefficacité apparente des mesures visant à limiter ces abus, malgré les appels répétés à des réformes. La question de l’impunité des responsables reste au centre des débats, et de nombreuses voix s’élèvent pour demander des actions concrètes afin de garantir la protection des droits humains au Cameroun.
Hélène Tientcheu