Assemblée nationale : Le réquisitoire de Cabral Libii contre le gouvernement

Dans la cadre de la session parlementaire en cours, le député du Pcrn a énuméré de nombreuses violations des procédures autour du dépôt du projet de texte auprès de la Chambre basse. « Expression politique » publie le propos du parlementaire dans son intégralité.

« Monsieur le président [de l’Assemblée nationale], chers collègues, lorsque dans un pays, les ministres piétinent la loi et que cette dérive se sert de l’Assemblée nationale comme d’un mur de soutènement, il ne faut pas s’étonner que la République entière dérive dans l’anarchie et la barbarie. Quand ici nous piétinons la loi cadre de la décentralisation, dont la gestation a été douloureuse lors du Grand dialogue national, dont le prétexte est bien connu : un amoncèlement de morts, nous nous rendons, cher collègues, complice de ceux qui infligent de souffrances aux camerounais en privant les élus locaux de moyens leurs permettant d’alléger la misère des gens.

Lorsque nous consacrons ici, l’impunité suite au piétinement de la loi qui demande un simple respect des délais de communication des textes budgétaires dans notre pays, foulant au pied l’autorité de la plus vieille institution constitutionnelle, la seule qui existe depuis 1946, il ne faut pas être surpris que les gendarmes dans la rue et les policiers veuillent faire de la purée avec les avocats du barreau du Cameroun en les piétinant comme des bêtes sauvages. Tenez, le 18 octobre 2024, un inspecteur de police détaché au parquet des tribunaux de Bafia a agressé sauvagement, Me Paul Assiené, lui a arraché la moitié des dents et la plongé dans une incapacité de 70% selon le certificat médico-légal, le 19 novembre 2024, Mouamdou Awalou, jeune conducteur  sur le corridor Douala-Bangui a été abattu d’une balle en pleine poitrine sans sommation et à bout portant, depuis le 27 novembre 2024, le monde entier est transi d’effroi devant les images devenues virales d’une rare animalité.

Un gendarme sans le moindre scrupule qui s’offre en spectacle public en piétinant le cou d’un avocat du barreau, sans défense, dans la rue devant des passants groggy de frayeur. Georges Floyd a été assassiné comme ça aux Etats-Unis en 2020, le scandale de l’artiste Longué Longué et la mise en garde du secrétaire d’Etat à la défense n’ont rien changé.

Nous portons nos écharpes ce matin parce qu’au sortir de cette plénière, nous allons au SED pour lui exprimer le ras-le-bol du peuple. Messieurs les membres du gouvernement, si la loi cadre de la décentralisation de 2019 ne vous convient pas, abroger là. Vous avez ici une majorité servile, que vous piétiner comme vous voulez. Pourquoi vous échinez même à écrire des lois ? Fermez une fois l’Assemblée nationale puisque tout vous est permis.  A l’article C 53, le projet de loi dispose que les tarifs par zones de la taxe foncière sur la propriété immobilière seront fixés par un texte particulier. Il s’agit d’une violation flagrante des stipulations de l’article 26 de la constitution que voici : « Sont du domaine de la loi, la création des impôts et taxes et la détermination de l’assiette, du taux et de modalités de recouvrement de ceux-ci ».

Mais évidemment, la constitution représente quoi pour vous ? Que du papier, vous pouvez la piétiner comme vous voulez. A l’article C 149, vous décidez enfin de régler vos comptes avec la dotation générale de la décentralisation. Vous tracez les contours des fonds répartissables, les exclusions consacrées dans l’assiette la DGB peuvent d’ailleurs à nos yeux trouver une justification technique acceptable, par contre, ce qui retient notre attention, c’est l’exclusion des opérations d’ordre. Vous faites donc enfin un aveu qui devrait vous obliger à changer les orientations budgétaire.

L’Opération d’ordre, pour rappel est une opération de trésorerie d’un comptable qui n’a pas encaissé de l’argent liquide, mais qui doit constater une recette sur la base de simples écritures, c’est le cas de ce qu’on appelle, la retenue à la source des impôts. Dans la commande publique, l’Etat au moment de payer les prestataires retient les impôts à la source. Mais c’est une opération à somme nulle puisque c’est le payeur qui prêtant percevoir au moment de payer ce qu’il est censé payer. Pourtant, ce qui est judicieux, c’est de payer totalement les prestataires afin que l’argent payé ici circule dans l’économie et génère une valeur ajoutée qui va payer l’impôt plus tard.

La création des richesses ne peut découler que du versement total des prix des marchés publics aux mains des fournisseurs de l’Etat, qui en retour se doivent en fin d’année, de déclarer l’ensemble de leurs revenus intégrés  au circuit économique pour générer les bénéfices imposables. C’est comme ça que gouvernement lèvera les fonds devant renflouer la DGD [Direction générale des Douanes], hors la retenu à la source oriente le bénéfice en entravant la circulation monétaire où le ruissèlement, mais en même temps, c’est l’état qui crée de nouveaux impôts et augmente les taxes qui pèsent sur les petites, les moyennes entreprises et les ménages.

La conduite d’une politique fiscale expansionniste caractérisée par une inflation des taux d’imposition, de nouveaux tarifs et de la multiplicité des procédures justifient en partie les remarques négatives du GECAM, les autres organismes syndicaux et de protection des consommateurs relativement  au climat des affaires. Le croc en jambe que cette loi fait aux entreprises va renforcer cette opinion. La vérité monsieur le ministre, c’est que cette loi sur la fiscalité locale n’est ni plus, ni moins que du banditisme politique. Vous utilisez les communes et les régions comme de faire-valoir. Vous vous en servez comme prétexte pour créer de nouveaux impôts et pour augmenter d’autres taxes.

Ça donne l’apparence de création de la nouvelle ressource, mais en réalité ces sources vont juste rentrer dans le régime gabégique habituel surtout asphyxier les petites entreprises et les ménages. Quand la taxe d’abattage d’une tête de bœuf passe de 1000 à 2500 francs CFA, celle d’une tête de porc passe de 400 à 1500, celle de la tête de mouton de 250 à 1000 F, celle d’un coq de zéro francs à 250. Je ne parle pas du timbre communal qui passe de 200 à 500, c’est quoi le but ? Si ce n’est de créer l’augmentation des prix en fin d’année et l’aggravation de la pauvreté.

Ce que les mairies, les communes et les régions attendent de cette réforme, c’est le respect de la volonté du peuple en permettant aux élus d’avoir les moyens de régler leurs problèmes. Mais cette loi durcit plutôt la caporalisation des ressources par l’Etat central. La vérité est simple : vous ne voulez pas la décentralisation. La centralisation dont font l’objet tous les impôts locaux aux fin de péréquation n’est pas juste dès lors qu’elle n’apporte pas un réel privilège de distribution pour la commune d’origine de la recette.

Je fais une petite illustration pour sortir. Le produit de la redevance forestière qui arrive dans les caisses du trésor public est partagé entre l’état qui récupère 50% et les communes qui s’en tirent avec le reste. Mais en réalité, la cote part de 50% affectée aux communes est repartie comme suit en vertu des disposition de l’article 243 du code général des impôts : 10% des 50% pour les services fiscaux de l’état au titre de l’appui au recouvrement. Vous avez dit niet aux collègues de la commission qui vous ont demandé de baisser ce pourcentage, 36% des 50% sont centralisés au Feicom pour péréquation, 54% des 50% reviennent aux communes des localisations du titre d’exploitation, soit en réalité 27% seulement. Le quart de ces 27% soit 6,75 devant être affecté exclusivement dans la commune de localisation au projet de développement porté par les populations riveraines.

Alors, quel projet sérieux pourrait être ainsi financé par l’aumône ? Comme s’assure-t-on au Minfi, au Mindevelle, au Consupe que ces projets de développement sont effectifs, viables et durables ? Il n y a rien. La loi de règlement votée ici hier au travers de l’annexe de la chambre des comptes dit que tous les chiffres sont faux, que tous les indicateurs de personnage sont mensongers. Monsieur le ministre, vous êtes le Zorro du gouvernement. Laissez le président Biya aller se reposer au village et permettez au Camerounais d’expérimenter un autre management politique dès 2025 ».

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