Scrutin du 12 octobre 2025: Des couacs observés sur le territoire
Entre « accréditations refusées », « observateurs interpellés » et « bulletins de candidats désistés encore présents dans les urnes », plusieurs organisations de la société civile pointent de graves irrégularités lors du scrutin du 12 octobre.
Les premières heures qui ont suivi la fermeture des bureaux de vote, le 12 octobre 2025, ont laissé place à une pluie de dénonciations. Lors d’un point de presse à Douala le 16 octobre dernier, le Groupe des OSC pour la réforme électorale a dressé un tableau inquiétant du déroulement du scrutin présidentiel. « Les faits relevés sur le terrain montrent des éléments manifestes de préméditation du trucage des résultats », affirme Philippe Nanga, coordonnateur de l’Organisation Un Monde Avenir (1MA) et superviseur général du dispositif d’observation citoyenne.
D’après ce dernier, la restriction de l’observation indépendante a marqué le processus dès le départ. « Plusieurs organisations de la société civile ont vu leurs demandes d’accréditation rejetées, quand d’autres ont été tout simplement empêchées d’accéder aux centres de vote. À Ngaoundéré, par exemple, des observateurs pourtant accrédités par le ministère de l’Administration territoriale ont été interpellés et placés en garde à vue pour avoir collaboré avec 1MA. C’est un recul grave pour la transparence électorale », regrette Philippe Nanga.
Autre motif d’inquiétude : la présence jugée envahissante des représentants de l’administration. De nombreux sous-préfets et préfets auraient été aperçus dans les centres et bureaux de vote le jour du scrutin. Aussi, les ONG dénoncent des cas de corruption électorale : distribution de denrées alimentaires, versements d’argent avant et pendant le vote. À cela s’ajoutent des irrégularités matérielles : bulletins de vote manquants pour certains candidats, nombre disproportionné pour d’autres, existence de bureaux en plein air et présence des noms de personnes décédées sur les listes électorales.
Les observateurs évoquent également la falsification de procès-verbaux, parfois remplis au crayon, ainsi que l’incompétence de plusieurs présidents de commissions locales de vote. Autant de dysfonctionnements qui, selon eux, ont nourri la méfiance des électeurs et alimenté un taux d’abstention déjà préoccupant. « Beaucoup de citoyens n’ont pas pu repérer leurs bureaux de vote, les listes ayant été affichées très tard », souligne un rapport d’étape du Groupe des OSC.
Cependant, tout n’a pas été négatif. La trentaine d’organisations signataires, reconnaît quelques avancées dans la gestion du processus. Elles saluent notamment « l’amélioration du professionnalisme de certains cadres d’Elecam » et « l’attitude républicaine et discrète des forces de l’ordre ». D’autres points positifs sont également relevés : une meilleure prise en compte des personnes handicapées, l’usage des technologies pour la veille citoyenne, ainsi qu’un léger regain de participation dans les régions anglophones malgré les appels au boycott.
Pour Philippe Nanga, ces progrès ne sauraient toutefois masquer les failles profondes du système électoral. « Nous devons repenser la gouvernance des élections au Cameroun. Tant que les acteurs de la société civile seront perçus comme des adversaires, la confiance des électeurs restera fragile », avertit-il. Au lendemain du scrutin, la société civile réclame donc un audit indépendant du processus et une réforme en profondeur d’Elections Cameroon.
H.T

