Impôts : Comment l’Etat veut booster les recettes des CTD

Un projet est actuellement sur la table des députés afin de relever les impôts communautés.

La situation financière des collectivités territoriales décentralisées (CTD) préoccupe le gouvernement. A cet effet, un projet de loi a été déposée dans le cadre le cadre de la session parlementaire en cours, portant sur la fiscalité locale. Selon l’exposé des motifs déposé par le gouvernement, ce projet de texte a pour objectif, « d’une part, de réformer le cadre juridique actuel, notamment la loi n° 2009/019 du 15 décembre 2009, dont un nombre important de dispositions sont réputées caduques, et, d’autre part, de renforcer l’autonomie financière des Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD), en vue de mieux répondre aux exigences de la loi n° 2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code des Collectivités Territoriales Décentralisées et de la SND30 ».

Aussi, apprend-on, l’atteinte des objectifs de la décentralisation nécessite un accroissement substantiel des moyens de financement des activités des CTD. Raison pour laquelle, la fiscalité constitue la source principale de revenus des collectivités territoriales, mais sa contribution dans la prise en charge de leurs dépenses, quoique non négligeable, reste à optimiser car l’essentiel des ressources de ces collectivités provient des concours de l’Etat. Or, le contexte économique mondial et national ambiant, marqué par la rareté des ressources, la persistance des crises sécuritaires et sanitaires dans certaines Régions de notre pays et une inflation galopante, limite considérablement la capacité d’accompagnement des CTD par l’Etat.

A l’analyse, le rendement des prélèvements qui constituent les impôts communaux, sur la période 2015-2019, affiche une moyenne de 33 milliards FCFA, avec un taux de progression annuel des recettes d’environ 4,3%. Pourtant, au titre du seul exercice 2022, les recettes de l’Etat affectées aux collectivités territoriales s’élevaient à environ 226,9 milliards FCFA, soit près de 1% du PIB, et les taxes communales recouvrés se chiffraient à approximativement 24 milliards FCFA seulement, soit 0,1% du PIB.

Les contreperformances sus-évoquées sont en majorité liées à des insuffisances tant en matière de politique que d’Administration fiscale. Au rang des manquements en matière de politique fiscale, on dénote entre autres : la limitation du potentiel de rendement des Centimes Additionnels Communaux du fait de la restriction de leur champ à trois impôts d’Etat uniquement; la pluralité d’impôts communaux dont la plupart affichent un rendement très faible (taxe sur les jeux de hasard et de divertissement); le dispositif embryonnaire des prélèvements destinés aux Régions et le faible potentiel de rendement de la plupart des impôts et taxes qui leur sont affectés; la multitude de prélèvements directs locaux caractérisés par des assiettes étriquées, des coûts d’administration élevés et un rendement en deçà de celui des pays de niveau de développement comparable.

Parmi les difficultés majeures découlant des procédures et de l’Administration de l’impôt, on peut évoquer: l’absence de répartition de tâches et de compétences entre les services fiscaux de l’Etat et les services d’assiette des CTD, entrainant des interventions concurrentes; l’insuffisance des moyens financiers, matériels et humains dédiés à la collecte et à la gestion de la fiscalité locale. A titre d’illustration, sur les 360 services d’assiettes des communes, aucun ne dispose d’une application pour le suivi des opérations fiscales, encore moins de véhicule de service. Seuls 06 Centres Divisionnaires des Impôts sur 67 disposent d’un véhicule de service; l’absence de traçabilité sur le nombre exact d’assujettis locaux.

Cas pratiques

Par exemple, au titre de l’exercice 2020, il a été observé que sur 384,350 contribuables s’étant régulièrement acquittés de l’impôt libératoire, seuls 70,410 sont régulièrement immatriculés et inscrits au fichier de la DGI; le caractère essentiellement manuel de la déclaration des taxes directes locales, qui favorise le contact physique avec les usagers et l’instauration de mauvaises pratiques; les lenteurs observées dans la mise à mise à disposition par l’Etat, des ressources collectées au profit des CTD.

Par ailleurs, sur les trois derniers exercices fiscaux, les statistiques révèlent que malgré la pluralité d’impôts locaux et taxes communales consacrés par le dispositif normatif actuel, trois (03) impôts locaux (Centimes Additionnels Communaux, Droits de Timbre Automobile, Redevance Forestière Annuelle) sur la trentaine en vigueur, constituent à eux seuls plus de 90% du rendement global de la fiscalité des CTD. L’allègement de l’architecture existante apparait donc nécessaire pour rendre ce mécanisme de financement plus rentable.

Dans l’optique de pallier ces manquements, cette nouvelle législation se propose d’apporter les innovations majeures suivantes : En matière de politique fiscale: le relèvement à 1%, du taux du droit d’accises spécial destiné au financement de l’enlèvement et du traitement des ordures au bénéfice des CTD; l’institution d’un Impôt Général Synthétique (IGS) pour les micro et petites entreprises (chiffre d’affaires inférieur à 50 millions FCFA), en lieu et place de l’impôt libératoire et de sept (07) autres taxes communales; l’affectation aux Régions de l’intégralité du produit du droit de timbre de la carte grise et d’une quotité du produit de la Taxe Spéciale sur les Produits Pétroliers (TSPP) destinée à l’entretien routier;la centralisation par le FEICOM d’une quote-part de 70% du produit des impôts et taxes des Régions, affectée à la péréquation, à l’exclusion du droit de timbre les cartes grises. Pour le produit des redevances pétrolières, gazières et minières, ce taux est de 50%.

En matière de procédure et d’Administration fiscale, la transformation des Centres Divisionnaires des Impôts (CDI) en Centres de Fiscalité Locale et des Particuliers (CFLP), afin d’optimiser la collecte des recettes, sous l’encadrement et la responsabilité de l’Administration fiscale; l’arrimage des procédures fiscales locales aux processus de dématérialisation concernant spécifiquement l’immatriculation, l’émission, la déclaration et le recouvrement des impôts et taxes locales. Il est également envisagé la suppression des paiements en espèce au profit des modes de paiement plus sécurisés, ainsi que l’adaptation des procédures de contrôle, de recouvrement forcé et de contentieux aux spécificités de la fiscalité directe locale.

« En définitive, l’aboutissement de cette réforme permettrait d’assurer la mutualisation des actions de l’Administration fiscale et des CTD, tant sur le plan organisationnel que procédural. Elle assurera en outre l’élargissement de l’assiette fiscale, en vue de la diversification des sources pérennes de financement des collectivités territoriales », indique l’exposé des motifs.

Oumarou Mey

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