Douala: Une ville noyée dans les averses
Entre inondations, chaussées impraticables et absence criante d’infrastructures d’assainissement, les riverains de Douala vivent un véritable calvaire depuis le retour des pluies.
Une fois de plus, l’impréparation chronique de la métropole économique du Cameroun face aux défis climatiques et urbains rend la vie difficile aux riverains en cette autre saison de pluie. « Il suffit d’une pluie de deux (02) heures pour que toute ma maison soit envahie par les eaux », se lamente Jeanne Mega, une habitante du quartier Mabanda dans le 4ᵉ arrondissement de Douala. En retroussant péniblement son pantalon pour évacuer les flaques d’eau stagnantes devant sa porte, celle-ci appelle à l’aide des autorités administratives. « Ma maison est presque détruite, chaque année c’est le même scénario, pourtant les caniveaux sont bien construits mais bouchés », s’exclame-t-elle. Cette situation n’est pas isolée. Comme elle, des milliers de Doualais vivent dans la peur constante des pluies. La saison des pluies transforme la ville en véritable champ de bataille urbaine, où inondations, embouteillages et insalubrité règnent en maîtres.
Au rond-point rail Bonaberi, carrefour névralgique de Douala, il est 7 h du matin et le vacarme des klaxons se mêle au grondement des moteurs et aux éclaboussures d’eau boueuse. La route principale, déjà étroite mêlée au marché situé en bordure, est désormais parsemée de cratères remplis d’eau. À chaque passage de voiture, une gerbe d’eau se soulève et vient inonder les trottoirs, quand ils existent encore. « Regardez l’état de cette route ! », fulmine Rodrigue Tatchiago, un chauffeur de taxi, en désignant un trou béant au milieu de la chaussée. « Il n’y a plus de bitume ici. On roule sur de la boue et des pierres. Et personne ne vient réparer. » Poursuit-il. Les nids-de-poule se sont transformés en tranchées. Les véhicules se déplacent au ralenti, entraînant des embouteillages interminables qui paralysent la circulation aux heures de pointe. « Ce matin, j’ai mis deux (02) heures pour faire Bonabéri – Akwa, un trajet de 30 minutes normalement », confie Claudine.
L’un des problèmes les plus criants reste l’absence ou la défaillance des systèmes de drainage. Les caniveaux, censés canaliser les eaux de pluie, sont pour la plupart obstrués par des déchets ou tout simplement inexistants. Une aberration dans une ville qui reçoit en moyenne plus de 4 000 mm de pluie par an selon une étude météorologique. « Aucun caniveau n’existe sur plus d’un kilomètre. L’eau s’accumule donc sur la route et finit dans les maisons », dénonce un riverain qui a requis l’anonymat. La situation est telle que certaines populations, livrées à elles-mêmes, tentent de dégager manuellement les caniveaux à l’aide de pelles et de seaux. Une solution de fortune qui montre les limites d’une gouvernance urbaine peu proactive. Interrogée sur la question, la communauté urbaine de Douala (CUD) reconnaît les défis mais affirme que des efforts sont en cours. « Il y a plusieurs projets de drainage qui sont en cours dans la ville, notamment avec le projet d’aménagement des canaux de drainage pluvial », apprend-on.
Au-delà des désagréments quotidiens, les conséquences de cette situation peuvent être dramatiques. Chaque année, des cas de noyades, de glissements de terrain ou d’effondrements de murs sont enregistrés dans la ville. On se rappelle qu’en juillet 2024, une fillette de 8 ans a trouvé la mort après être tombée dans un caniveau à ciel ouvert, dissimulé par les eaux de pluie. En santé, les médecins alertent aussi sur les risques sanitaires. « Avec l’eau stagnante, les cas de paludisme explosent. On observe aussi une recrudescence des maladies hydriques comme la typhoïde et la diarrhée, surtout chez les enfants. » Il est plus qu’urgent que les autorités locales, régionales et nationales prennent la mesure de la gravité de la situation. Sinon, Douala risque d’être engloutie, non pas par les eaux, mais par l’indifférence.
Charles Totchum

