MRC: Maurice Kamto, l’agitateur ?

À quelques mois de la présidentielle d’octobre 2025, le leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) a rassemblé, le 31 mai dernier, des milliers de militants et sympathisants dans la capitale française, soulevant des questionnements sur la portée réelle d’un tel rassemblement hors des frontières nationales.
À l’appel de Maurice Kamto, président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), militants et sympathisants de cette formation politique de l’opposition se sont réunis à la place de la République, le 31 mai dernier. Selon Jeanne Chantal Beley Essombe, cadre du MRC dans la région Île-de-France et cheville ouvrière de l’événement, ce grand meeting restera dans les annales comme une démonstration magistrale de logistique politique. En effet, face à un espace initialement prévu pour 50 000 personnes, son équipe a géré l’afflux de plus de 70 000 Camerounais venus de toute l’Europe et bien au-delà.
Mais derrière les images spectaculaires et les discours enflammés, une question persiste : quelle est la pertinence d’un tel rassemblement à plusieurs milliers de kilomètres de Yaoundé, dans une diaspora dont le poids électoral reste marginal ? Dans un pays où la souveraineté politique s’exerce, pour le moment, essentiellement sur le terrain national, ce genre de démonstration suscite scepticisme et interrogations.
Un symbole fort… mais politiquement creux ?
Pour le MRC, cette mobilisation est d’abord un symbole. Elle vise à montrer que l’alternative politique existe et que le soutien à Maurice Kamto dépasse les frontières nationales.
Mais pour nombre d’analystes, ce genre d’initiative relève davantage du registre émotionnel que de la stratégie électorale concrète à quelques mois de la présidentielle de 2025. Certes, reconnaissent-ils, la diaspora joue depuis plusieurs années un rôle actif sur les réseaux sociaux et dans les espaces militants à l’étranger. Il n’en demeure pas moins qu’en dépit de l’enthousiasme affiché à Paris, la capacité de cette diaspora à influencer le résultat de la présidentielle reste extrêmement limitée.
Les chiffres d’ELECAM sont là pour l’attester. En effet, selon l’organe chargé de l’organisation des élections, seuls 29 000 Camerounais de la diaspora sont inscrits sur les listes électorales. Un chiffre dérisoire lorsqu’on le rapporte aux quelque 7,8 millions d’électeurs recensés au 30 décembre 2024.
Il s’agit donc d’un « moment galvanisant, mais qui risque de rester sans suite si les Camerounais de l’intérieur ne sont pas touchés par ce message. Le MRC semble en effet peiner à structurer un appareil politique efficace dans les régions rurales et à fort taux de participation au Cameroun, là où les élections se jouent réellement », estime un sociopolitiste.
Pour le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti au pouvoir, certains cadres ne cachent pas leur mépris pour cette démonstration parisienne. « C’est de l’agitation stérile », lâche un membre du comité central. Puis d’ajouter : « Kamto tente de masquer son isolement politique par des shows médiatiques. Mais qu’a-t-il concrètement à proposer cinq mois avant l’élection ? Il n’est même pas encore officiellement candidat. »
Reste que le meeting de Paris, même s’il ne pèse que peu en termes de voix, pourrait servir un autre objectif : celui de résonner comme un appel symbolique, une sorte de catalyseur pour une dynamique nationale encore en gestation. En rassemblant une diaspora, le MRC veut peut-être montrer qu’un autre Cameroun est possible. Mais pour convaincre l’électorat local, il faudra rapidement transformer ce spectacle politique en propositions concrètes et en campagne de terrain.