Interdiction de la chicha : Paul Atanga Nji ouvre un front contre Malachie Manaouda

Alors que le ministre de la Santé publique mène des opérations inopinées pour interdire ces pipes géantes dans les bars, restaurants, casinos et autres lieux de loisirs, le ministre de l’Administration territoriale, a ordonné, le 23 septembre, aux gouverneurs de mettre un terme à ces contrôles.
La lutte contre la consommation de chicha suscite des tensions au sein du gouvernement camerounais. Dans une lettre datée du 23 septembre 2024, le ministre de l’Administration territoriale (Minat), Paul Atanga Nji, a rudement remonté les bretelles à son homologue, Manaouda Malachie, du ministère de la Santé publique (Minsanté). « Malgré les multiples rappels à l’ordre des autorités administratives, il m’est revenu que vos collaborateurs effectuent encore des descentes “dites inopinées » sur le terrain pour empêcher la consommation de “Chicha” dans les débits de boisson, restaurants, casinos et les lieux de loisirs. Plus grave, ces contrôles se font avec le concours des forces de maintien de l’ordre, sans en référer aux Gouverneurs, Préfets et Sous-préfets chargés du maintien de l’ordre et de l’encadrement des missions de contrôle dans leurs unités de commandement respectives », écrit le Minat.
Il poursuit : « Il y a lieu de souligner que les forces de maintien de l’ordre sont mises pour emploi auprès des autorités administratives. Par conséquent, vos collaborateurs ne peuvent, pour quelques raisons que ce soit, mobiliser ou solliciter l’appui des forces de maintien de l’ordre sans l’accord préalable des Gouverneurs, Préfets et Sous-préfets. Par ailleurs, la consommation de drogues et autres substances psychotropes, en milieu scolaire et en tous autres milieux, a déjà fait l’objet d’un examen scrupuleux lors des Conférences de Gouverneurs de Région. Des mesures idoines ont, du reste, été prescrites pour enrayer ce phénomène tout en évitant des dérapages et des abus. Tenant compte du fait que les contrôles décriés, effectués par vos collaborateurs perturbent sérieusement la quiétude des populations et sont susceptibles de provoquer de graves troubles à l’ordre public, les Gouverneurs de Région ont été instruits ce jour, d’y mettre définitivement un terme ».
Initialement, en 2022, sur requête du ministre de la Santé publique, le ministre de l’Administration territoriale (Minat) avait chargé les gouverneurs de coordonner une campagne contre la commercialisation et la consommation de Chicha, en collaboration avec le Comité national de lutte contre la drogue. Deux ans plus tard, le Minsanté semble avoir pris l’initiative de mener sa propre offensive sur le terrain, sans consulter le Minat, ce qui a provoqué la réaction de ce dernier. Instruction a donc été donnée aux gouverneurs de région d’y mettre définitivement un terme. Sur les réseaux sociaux, l’Administrateur civil Valère Bertrand Bessala a exprimé des doutes quant à la motivation du Minat, suggérant que sa réaction pourrait résulter de pressions exercées par des intérêts criminels qui ne se sentent pas protégés. « Il y a fort à penser et à croire que cette réaction du ministre de l’Administration territoriale est l’écho, la conséquence et le résultat des pressions criminelles des milieux de la pègre qui ne se sont pas sentis protégés. Et pourtant ils paient cette protection mensuellement à tous les paliers administratifs et sécuritaires ».
Pour Me Sikati, avocat au barreau du Cameroun, la correspondance du Minat témoigne d’un manque de solidarité au sein du gouvernement face à la crise de consommation de drogues. Il a critiqué l’inefficacité des mesures adoptées lors des conférences de gouverneurs, soulignant l’urgence d’une réponse concertée. « La correspondance du Minat ne trouve pas sa place dans notre société, gangrenée par le trafic et la consommation alarmante de drogue, surtout que les mesures qui auraient été prises par la Conférence des gouverneurs comme le dit le Minat, ne donnent aucun résultat ».
L’Administrateur civil Kevin Bayi a également soutenu que la lutte contre les stupéfiants nécessite une coopération accrue entre toutes les parties prenantes, afin de mieux combattre ce fléau sur le territoire national. La situation actuelle pose donc la question de la coordination entre ministères dans la lutte contre la consommation de drogues et souligne la complexité des enjeux liés à la santé publique et à la sécurité nationale au Cameroun.
M.F.