Sérail : Laurent Esso doute des « très hautes instructions»
04 août 2024. Laurent Esso, le ministre de la Justice assiste à la projection du film documentaire « Paul Biya, un Grand homme d’État au Destin prodigieux », réalisé par Cathy Meba et Solange Edimo. Le film retrace le parcours du président Paul Biya, depuis ses années scolaires jusqu’à ses quarante années de magistrature suprême. L’événement a été organisé par le Conseil Régional du Littoral, avec une coordination technique assurée par le ministère de la Culture du Cameroun. Les allocutions de la soirée ont mis en lumière les nombreuses qualités du Président Biya, saluant son intelligence, sa patience, sa bonté et son altruisme. Le ministre Laurent Esso, au cours de son allocution réaffirme la solidarité et le soutien continu envers le Président en déclarant « M. le Président de la République Paul Biya, nous sommes avec vous jusqu’à la gare. » Dans la foule, il y a de nombreuses personnalités dont, le ministre des Transports, Jean Ernest Massena Ngalle Bibehe.
Seulement, à un moment de son allocution, Laurent Esso, développe un discours énigmatique qui semble s’adresser à quelqu’un ou à un groupe de personnes dans l’entourage du chef de l’Etat. Il déclare à cet effet : « Le président Paul Biya a beaucoup d’égard et de courtoisie à l’endroit des uns et des autres. Le président Paul Biya évite l’arbitraire par un respect scrupuleux de la légalité. Malheureusement, monsieur le président de la République, il nous revient que, enivré par les actes qui nous place à certaines fonctions, nous avons souvent tendance à privilégier les voies de fait, et à ne faire valoir que notre égo. La plupart du temps, nous pensons certainement que, les actes qui nous ont désigné, nous ont aussi donné l’omniscience, je dirai même la science infuse. Très souvent, nous nous comportons comme si grâce à ces actes, nous savons tout. Nous ne prenons même plus la peine d’écouter comme vous le faites vous-même monsieur le président. Nous savons tout, sur tout. Et nous pouvons tout bien que vous monsieur le président de la République vous demeurez constitutionnellement le seul maître à bord. La sagesse populaire nous enseigne attention, le président Paul Biya, ne dort que d’un seul œil ».
Ce n’est pas la première fois que le ministre de la Justice fait une pareille sortie. En mai 2024, il signe un éditorial paru dans Justitia, le magazine de son département ministériel et intitulé « De hautes instructions…de vraies ». Dans son édito, Laurent Esso décrit un corps judiciaire « assailli de manière récurrente voire permanente par des injonctions, des impostures et des intimidations de toutes sortes ». Des magistrats « tiraillés au quotidien dans l’exercice de leurs fonctions » entre leur serment de rendre justice en toute indépendance et ces fameuses « hautes instructions » qui leur enjoignent de violer lois, règlements et coutumes. Un tableau sombre qui en dit long sur l’état de déliquescence de l’appareil judiciaire camerounais.
Si Laurent Esso se garde bien de citer nommément les responsables visés, les allusions sont transparentes. Il évoque ainsi « ceux qui, pourtant étrangers au fonctionnement du service public de la justice et ne relevant pas non plus de leur hiérarchie règlementaire, brandissent, le plus souvent, des sanctions ou des avantages et parfois des promotions ». Un portrait-robot qui semble désigner de hauts responsables de la Présidence, réputés pour leur interventionnisme dans les affaires judiciaires. Reste à savoir qui se cache précisément derrière ces propos sibyllins…
Laurent Esso ne se contente pas de dénoncer. Il joint l’acte à la parole en prêchant lui-même la « résistance » qu’il appelle de ses vœux. Selon nos informations, il aurait ainsi récemment refusé de céder à des « hautes instructions » exigeant la levée du blocage des comptes d’une personnalité controversée. Mieux, il aurait même demandé à sa secrétaire de signifier à l’émissaire de ces instructions de ne plus jamais l’appeler pour ce genre de démarches.
Maixent Fegue
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