Douala: La SRC suspend la cession des biens de Gabriel Kondo Ebelle

Du 25 au 28 juin 2025, le stade Soppo Bonapriso à Douala a servi de cadre à une vente aux enchères publique organisée par la Société de recouvrement des créances du Cameroun (SRC). Cependant, la vente des biens de Gabriel Kondo Ebelle a été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo.
C’est sous un soleil ardent et dans une ambiance mêlant curiosité, effervescence et réalisme économique que s’est ouverte, ce mercredi 25 juin 2025, la grande vente aux enchères publiques initiée par la Société de recouvrement des créances du Cameroun (SRC). Dans l’enceinte du stade Soppo Bonapriso, les allées se sont remplies le long de la journée. Entrepreneurs, ménages aisés, jeunes collectionneurs, fonctionnaires à l’affût d’une bonne affaire, tous ont afflué pour tenter d’acquérir un lot de biens meubles mis en vente. Au programme : des véhicules de luxe de grandes marques, du mobilier de maison raffiné (salons en cuir, salles à manger sculptées, tables basses en marbre), des équipements électroménagers dernier cri (régulateurs de tension, micro-ondes encastrables, mixeurs industriels), sans oublier les objets de décoration de qualité muséale (tableaux, tapis persans, sculptures), jouets et autres effets personnels. Ces biens proviennent de la saisie judiciaire effectuée auprès de débiteurs de l’État camerounais.
Cette opération avait pourtant été annoncée comme l’une des plus importantes jamais organisées par la SRC, impliquant les biens de 32 débiteurs différents. Cependant, si les noms de ces derniers n’ont pas été divulgués, des sources révèlent que plusieurs personnalités publiques figuraient sur la liste. Or, l’un des cas les plus médiatisés concerne celui du milliardaire Gabriel Kondo Ebelle, connu sous le nom de Gaby Kondo. La SRC avait prévu de mettre en vente plusieurs de ses véhicules de luxe, parmi lesquels un Toyota Land Cruiser à plus de 61 millions de francs CFA, deux Mercedes Maybach estimées respectivement à 119 et 70 millions de francs CFA, ainsi qu’une Rolls Royce dont la mise à prix n’avait pas encore été fixée. Seulement, la vente de ces biens a été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal de première instance de Bonanjo. Ce dernier a donné suite à une requête introduite par ses avocats, suspendant ainsi la vente jusqu’à la fin de la procédure en cours devant le juge du contentieux de l’exécution.
Le contentieux remonte à un commandement de payer émis contre monsieur Kondo Ebelle, débiteur solidaire de l’État aux côtés de la société Pack Industry S.A., dans une affaire de recouvrement de fonds par la SRC. Ce bras de fer judiciaire met en lumière les défis que rencontre la SRC dans l’exécution de ses missions. Entre nécessité de recouvrer des fonds pour le compte de l’État et obligation de respecter les droits des débiteurs, l’institution évolue sur une ligne de crête délicate, surtout lorsque les affaires impliquent des personnalités publiques. Soulignons que ladite décision judiciaire met temporairement en pause une partie importante de l’opération de recouvrement engagée par la SRC, tout en soulignant le respect scrupuleux des procédures légales auquel l’institution dit désormais vouloir s’astreindre. Néanmoins, la tenue de cette vente publique marque une étape importante dans l’évolution de la stratégie de recouvrement au Cameroun. En misant sur une plus grande visibilité et sur la légalité, la SRC cherche à restaurer la confiance du public et à renforcer l’efficacité de ses actions.
Toutefois, face à une faible participation du public lors des précédentes ventes et à une rentabilité jugée insuffisante, la direction générale de la SRC a décidé de lever le voile sur ces opérations longtemps restées confidentielles. Désormais, les ventes publiques sont annoncées en amont et ouvertes à tous les citoyens intéressés. « Nous avons constaté que la discrétion entourant ces opérations nuisait à leur efficacité », a déclaré Marie-Rose Thérèse Odile Messi, DG SRC. L’objectif de cette nouvelle politique est de maximiser les recettes de recouvrement, d’alléger la dette des débiteurs, et de contribuer au renflouement des caisses de l’État. Chaque vente est précédée d’un avis public publié au moins quinze (15) jours à l’avance. Le débiteur concerné est également informé, et peut assister à la vente pour défendre ses intérêts.
Présent à la cérémonie de lancement, le président du conseil d’administration, Robert Bapoo Lipot, a rappelé la mission première de la SRC : « Assainir nos finances publiques, récupérer ce qui est dû à l’État et faire en sorte que ces ressources soient réinjectées dans l’économie réelle, au bénéfice des citoyens. » Par ailleurs, cette démarche a été bien accueillie par certains riverains, qui y voient un pas vers une meilleure gouvernance publique. « Cette vente, en plus de son aspect économique, est un acte de pédagogie citoyenne », affirme Léonard Toko, consultant en finances publiques. Pour de nombreux participants, cette vente représentait une rare occasion d’acquérir des biens de qualité à des prix défiant toute concurrence. « J’ai pu repartir avec un canapé de luxe en cuir que j’aurais payé trois fois plus cher ailleurs », confie François Ngameni, jeune entrepreneur. « C’est une opportunité formidable, surtout en cette période de hausse des prix. » poursuit-il.
Créée le 18 août 1989 par décret présidentiel Nᵒ 89/1283, la SRC est une entreprise publique à caractère commercial, chargée du recouvrement des créances publiques et parapubliques. Elle œuvre à l’assainissement des finances des entités publiques et à la relance économique par la gestion des actifs non performants. À fin 2023, elle affichait plus de 17 milliards FCFA recouvrés, preuve de son efficacité croissante. Rappelons que l’organisation d’une vente aux enchères publique comme celle-ci obéit à un processus en plusieurs étapes. Notamment, la notification de la créance et du mandat de la SRC, la mise en demeure de payer, un possible moratoire accordé au débiteur, la sommation sans frais, la contrainte et le commandement de payer et la saisie effective des biens. Ensuite, viennent les préparatifs de la vente à travers la notification officielle de l’avis de vente, l’apposition des placards d’annonce, la publication dans les journaux et médias, le récolement et la vente aux enchères.
Charles Totchum