Marchés publics: Le Gecam empêtré dans ses contradictions

Pour le patronat camerounais, l’intégration du récépissé de consignation dans la liasse documentaire requise pour soumissionner à un marché public résulterait d’une simple lettre circulaire, ce qui n’est pas conforme aux principes de hiérarchie des normes juridiques.

Autre argumentaire, autre contradiction. En effet, pour le patronat camerounais, l’intégration du récépissé de consignation dans la liasse documentaire requise pour soumissionner à un marché public résulterait d’une simple lettre circulaire, ce qui n’est pas conforme aux principes de hiérarchie des normes juridiques. Or, il est important de souligner que les principes fondamentaux relatifs aux dépôts et consignations ont été définis par la loi n°2008/003 du 14 avril 2008, qui régit les dépôts et consignations. Cette loi a, de manière explicite, identifié en son article 5, les cautionnements relatifs aux marchés publics comme des consignations administratives devant obligatoirement être versées à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Par ailleurs, l’article 6 de ladite loi interdit aux juridictions et aux administrations d’autoriser ou d’ordonner des dépôts ou consignations auprès de personnes physiques ou d’organismes autres que la CDEC. Ce principe a été réaffirmé par le décret n°2011/105 du 15 avril 2011, ainsi que l’arrêté n°00000023/MINFI du 1er décembre 2023. C’est à ce titre que les circulaires relatives à l’exécution des Lois de finances ont précisés qu’à compter du 1er janvier 2024, les dépôts et consignations, prévus par les lois et règlements, effectués en dehors de la CDEC, sont nuls et de nul effet (Points 457 CIREX 2024 et 428 CIREX 2025).

Il apparaît donc clairement que cette problématique a déjà été réglée par plusieurs textes supérieurs et la lettre circulaire du 5 juin 2024 n’établit aucune nouvelle réglementation. Elle a simplement précisé les modalités pratiques d’application des dispositions relatives aux cautionnements sur les marchés publics. Un travail rigoureux de veille juridique aurait permis au GECAM d’éviter de s’engager dans des spéculations et des interprétations infondées, alors même que le cadre légal applicable est clair et établi par le législateur camerounais. Si la réforme des dépôts et consignations est certes rigoureuse et très complexe, elle s’inscrit dans une dynamique irréversible d’assainissement du domaine des marchés qui ira à son terme.

Contexte et justification

L’Etat du Cameroun, dans le but d’accompagner les Petites et Moyennes Entreprises (PME), a facilité l’ouverture du marché pour la délivrance des cautionnements dédiés aux marchés publics aux compagnies d’assurances. Ces dernières ont ainsi rejoint les établissements de crédit déjà présents dans le système camerounais des marchés publics, contribuant à une plus grande vitalité du secteur privé en général, et des établissements financiers en particulier.

Cette avancée s’est cependant transformée en inquiétude pour les maîtres d’ouvrage bénéficiant des sûretés émises, en raison des difficultés rencontrées par les compagnies d’assurances et les établissements de crédit à honorer, par effet de subrogation, les engagements pris lors de la passation et de l’exécution des marchés.

Le contentieux relatif à la résiliation des marchés publics a, ces dernières années, amplifié les tensions entre maîtres d’ouvrage, les compagnies d’assurances et les établissements de crédits, notamment lors des appels à exécution des cautionnements destinés à couvrir les défaillances des prestataires. A titre d’illustration, les procédures de recouvrements découlant des litiges relatifs à l’appel des cautions pourraient se multiplier avec comme incidence, la mobilisation d’environ deux cents (200) milliards dus à l’Etat au titre de résiliation des marchés pour défaillance des prestataires. A la faveur de l’opérationnalisation de la Caisse des Dépôts et Consignations, le Ministre des Finances a instruit cette dernière de procéder au recouvrement des fonds dus dans le cadre de certaines cautions émises au bénéfice du Ministre des Travaux Publics (MINTP), pour plus d’une centaine de milliards de FCFA.

Cette situation préoccupante met en lumière les difficultés persistantes auxquelles est confronté le secteur des marchés publics, notamment en raison de l’inexécution d’engagements garantis par des cautionnements. Les appels de cautions se sont multipliés, donnant lieu à de nombreux litiges en cours ou à venir, visant à contraindre les tiers garants compagnies d’assurances et établissements de crédit à honorer leurs obligations contractuelles.

Face à cette problématique, l’État a mis en place, comme c’est le cas dans de nombreux pays tels que la France, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et la Tunisie, une Caisse de Dépôts et Consignations.  Cette réforme structurelle impose une discipline accrue aux établissements de crédit et aux compagnies d’assurances, qui ne pourront plus ignorer les demandes des cautions émises par les maîtres d’ouvrage.

Réforme nécessaire

Il est également important de relever que cette réforme vise également à :  établir un cadre efficace et performant pour les marchés publics en s’appuyant sur des garanties réelles qui seront mobilisées à première demande ; réduire l’impact négatif des engagements par signature dans le domaine des marchés publics en général, et plus particulièrement sur l’économie nationale ; garantir le développement et la croissance, en privilégiant une exécution efficace des projets, caractérisée par le respect des coûts, des délais et des spécifications.

Aussi, il faudrait restreindre les engagements des établissements financiers afin qu’ils ne dépassent pas les seuils autorisés. Cette mesure a pour objectif de diminuer leur niveau d’exposition et d’assurer leur stabilité, conformément au principe de proportionnalité du cautionnement. Cela implique une adéquation entre les capitaux propres de ces établissements financiers et leurs engagements dans le cadre des marchés publics. Sans oublier de favoriser une analyse approfondie des dossiers et des profils des soumissionnaires par les établissements financiers pour toute attribution de cautions. Cela contribuera à assainir le secteur des marchés pour les soumissionnaires qui ne disposent pas de toutes les garanties de liquidité et de solvabilité.

La mise en œuvre de cette réforme souligne un problème important : l’incapacité des établissements de crédit et des compagnies d’assurance à soutenir les opérateurs économiques du Cameroun. Il est essentiel de comprendre pourquoi les prestataires économiques acceptent d’investir des montants significatifs et de fournir des garanties réelles et substantielles (comme une hypothèque) dans le cadre des financements octroyés par les établissements de crédit pour certains marchés publics, tandis que ces derniers déclinent, en contrepartie, de se porter garants. La tendance des établissements de crédit à éviter tout risque incite les prestataires à verser des montants équivalents à ceux des cautions à la CDEC. Cela engendre un effet pervers sur la réforme.

Dans le cadre d’une démarche d’amélioration envisagée, il est essentiel que la réforme se poursuive et que les mesures suivantes soient prises dans la mesure du possible :        arrêter un délai de quinze (15) jours pour la restitution de la caution par la CDEC à compter de la réception de la mainlevée ou, en cas d’appel de la garantie. Cette démarche vise à rassurer l’ensemble des acteurs sur la capacité de la CDEC à tenir tout restitution des fonds et valeurs qui lui est confiées à première demande ; réduire les délais de paiement des marchés publics par l’État. Cela instaurera un lien de confiance et contribuera à renforcer la relation avec les prestataires.

Aussi, il faut mitiger les impacts négatifs de certains établissements financiers qui ne soutiennent pas les PME dans le cadre de certains marchés publics. À cet égard, il serait pertinent de réviser la lettre circulaire afin que le soumissionnaire ou le titulaire du marché puisse, soit solliciter un cautionnement auprès d’un établissement financier agréé qui cantonnera les fonds dans un compte de la CDEC ouvert dans ses livres, soit effectuer un dépôt directement auprès de la CDEC ; optimiser le dialogue en démontrant la pertinence de la réforme qui concerne principalement les établissements de crédit et les compagnies d’assurance entité émettrice de Cautionnement.

Enfin, précise un expert, il faudrait inciter les établissements de crédit et les compagnies d’assurances à développer des produits adaptés aux spécificités des marchés publics. À défaut, l’État doit recapitaliser la Banque des Petites et Moyennes entreprises afin qu’elle puisse remplir sa mission de manière efficace.

 

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