Fraude dans la fonction publique: Aigles déploie ses serres sur les agents de l’État

Présentée le 10 juin à Douala, la plateforme Aigles vise à traquer les agents fictifs et à améliorer la gestion des fonctionnaires. Déjà, 5 000 indemnités indues ont été supprimées et 3 000 absents repérés.
Près de 3 000 agents publics introuvables en poste depuis janvier 2025. C’est l’un des chiffres les plus marquants révélés le 10 juin dernier à Douala, lors de la présentation du nouveau logiciel de gestion du personnel de l’État, baptisé Aigles, par le ministère de la Fonction publique et de la réforme administrative (Minfopra), Joseph Lé. Qui souligne qu’en déploiement depuis janvier, cette plateforme entend remettre de l’ordre dans un fichier comptant exactement 292 456 agents actifs, répartis dans les dix régions du Cameroun.
Dans le détail, le Centre concentre à lui seul un tiers des effectifs (96 618 agents), loin devant le Littoral (33 668) et l’Ouest (26 799). À l’inverse, les régions de l’Est et du Sud ferment la marche avec respectivement 13 064 et 13 906 agents. Ces chiffres, dévoilés à Douala par le ministre Joseph Lé, ne tiennent pas compte des forces de défense, de la police ou encore des personnels sous statuts spéciaux. À travers Aigles donc, le gouvernement espère rationaliser la gestion administrative et salariale des fonctionnaires. L’application centralise données d’état civil, présence, productivité, primes, et actes de carrière. Objectif : réduire la fraude, automatiser les avancements et éradiquer les cas d’agents fictifs.
Développée par une société tunisienne, la plateforme a déjà permis de supprimer 5 000 indemnités indûment versées et de réduire de 70 % les délais administratifs, selon le ministère. Un module de biométrie, attendu en juillet, viendra renforcer le contrôle. Mais cette digitalisation n’efface pas les préoccupations des agents : 95 % réclament une revalorisation salariale, et 75 % souhaitent des mutations plus régulières pour une meilleure équité régionale. Si 80 % se disent satisfaits de l’accès en ligne aux services, des obstacles subsistent, notamment dans les zones mal connectées. En toile de fond, cette réforme vise une fonction publique plus équitable et plus transparente. Mais elle devra encore convaincre sur le terrain, où les données sont claires : l’absentéisme n’est plus toléré.
Hélène Tientcheu