Fête du travail: Les jeunes tournés vers la débrouillardise

À l’approche de la 139ᵉ édition de la fête du travail sur toute l’étendue du territoire camerounais, une tendance marquante s’impose : de plus en plus de jeunes se détournent des emplois classiques pour embrasser l’entrepreneuriat.
Sur les trottoirs animés de Deido, entre les klaxons pressés et les rires des vendeurs ambulants, un petit étal de vêtements attire le regard. Derrière une pile de chemises colorées, Stéphanie Keneng, 34 ans, ajuste une robe sur un mannequin de fortune. « J’ai étudié la gestion, mais je n’ai jamais trouvé d’emploi stable », confie-t-elle, les yeux brillants de fierté. Aujourd’hui, elle est son propre patron. À travers ses ventes en ligne et en présentiel, cette dernière arrive à subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. « Mes bénéfices par mois dépassent considérablement ce que je demandais lors d’un entretien d’embauche », révèle-t-elle. Comme Stéphanie, ils sont des milliers à avoir troqué la longue attente d’un hypothétique emploi salarié contre l’aventure entrepreneuriale. Ils créent, innovent, bousculent les codes traditionnels du travail. En parcourant la ville, il est donc facile de constater que les petits métiers envahissent les rues.
Dans une petite pièce transformée en atelier à Douala, Nicole Ateghang, promotrice de Zaha Green Foods LTD, produit de la farine de manioc. « L’idée est de valoriser la farine de manioc qui n’est pas encore très connue et prisée par les consommateurs camerounais », explique-t-elle. Son entreprise emploie aujourd’hui plus de cinq (05) autres jeunes, tous âgés de moins de 30 ans. Une réussite qui n’est pas née sans difficultés : « Trouver un financement, convaincre les premiers clients, c’était un vrai défi. Mais quand on croit en son projet, on persiste », sourit-elle. Il est bon de souligner que la motivation commune à ces jeunes entrepreneurs est l’envie de s’affranchir des obstacles économiques, mais aussi de donner un sens à leur activité. Par conséquent, les secteurs se diversifient : agroalimentaire, numérique, mode, services à la personne… « Internet a changé la donne », affirme Ricardo Konlack, promoteur de Katika. « Aujourd’hui, avec un téléphone, on peut atteindre des milliers de clients. »
Cependant, le chemin reste semé d’embûches. Ils déplorent le faible accès au crédit bancaire, le manque d’accompagnement et les lourdeurs administratives. Malgré tout, la résilience domine. Des réseaux de solidarité se forment, des associations de jeunes entrepreneurs voient le jour, des concours de start-ups émergent. C’est le cas de Jean-Bruno Tedom, 37 ans, diplômé en sociologie, qui a lancé sa start-up agricole spécialisée dans la culture de produits bio. « L’entrepreneuriat, c’est avant tout une manière pour moi d’être libre et de contribuer au développement de mon pays », confie-t-il, sourire aux lèvres. Pour lui, entreprendre est aussi une réponse aux défis socio-économiques exacerbés par la mondialisation et les crises successives. « L’avenir appartient à ceux qui innovent », affirme-t-il. Cependant, l’accompagnement institutionnel, bien que jugé insuffisant, se développe à travers des programmes comme le Plan triennal spécial jeunes, les formations du Minjec ou les financements proposés par des ONG et partenaires internationaux.
« Il est évident que ni l’État ni les entreprises existantes du secteur privé ne peuvent à eux seuls absorber le volume de jeunes issus chaque année du système éducatif classique. C’est pour cette raison que je vous demande, une fois de plus, de vous tourner également vers l’auto-emploi, en saisissant les opportunités qui s’offrent à vous dans des domaines tels que l’agriculture, l’artisanat ou l’économie numérique », avait déclaré Paul Biya le 10 février 2023 lors de son discours à la jeunesse camerounaise. Par la même occasion, ce dernier avait également rappelé qu’il avait donné des instructions au gouvernement pour l’accélération de la mise sur pied du fonds de garantie des jeunes entrepreneurs avec un guichet spécial dédié au financement des projets de la diaspora. Ce fonds devrait permettre aux porteurs de projets et aux jeunes entreprises de disposer de la garantie nécessaire pour lever les capitaux disponibles sur les marchés financiers ou obtenir des financements auprès des banques classiques.
Charles Totchum