Douala: Le phénomène des photos surprises en vogue

Dans les rues animées de Douala, les jeunes photographes armés de leurs appareils photo capturent des instants spontanés de passants à l’entrée des supermarchés et dans les carrefours bondés, bien que ce phénomène ne connaisse pas l’adhésion de tous.

Autrefois cantonnée aux studios et aux événements spéciaux, la photographie s’invite désormais dans le quotidien des habitants de Douala. Au rond-point Deido et à l’entrée des supermarchés, ces jeunes photographes se faufilent, déclenchent leur obturateur et, en quelques secondes, proposent aux sujets capturés d’acheter leur cliché. « C’est une nouvelle façon de faire de la photographie. Tout le monde ne peut pas se permettre un shooting en studio. Avec ces clichés pris sur le vif, nous offrons à nos clients un souvenir naturel et instantané », explique Wilfried Djonou, un jeune photographe qui exerce cette activité depuis plus d’un an. Ce dernier, qui a fait du rond-point Deido son bureau, s’installe dès 06h30 chaque matin pour espérer faire un bon rendement. « L’objectif pour moi est de prendre en images les travailleurs qui empruntent cette route chaque matin », affirme-t-il. Ici, le prix de ces clichés varie de 2000 à 5000 FCFA. « Je propose 06 photos à 2000 FCFA, mais en fonction du nombre et de la qualité, je vais au-delà », dit-il.

Même son de cloche dans les supermarchés. Dans l’enseigne de CFAO Retail comme dans plusieurs centres commerciaux, des jeunes à l’instar de Boris ont fait de la photographie de rue leur activité professionnelle. Placés à l’entrée des supermarchés, ils immortalisent le passage des visiteurs en leur proposant des photos instantanées. « Nous savons que le supermarché est un endroit chic, et les visiteurs sont plus ou moins nantis. C’est une bonne occasion pour nous », s’exprime-t-il. Ici, en fonction du client le prix diffère. Il coûte 500, 1000 voire 1500 FCFA. Cette approche, en même temps spontanée et commerciale, séduit de nombreux clients. Pour eux, c’est une manière originale d’obtenir des photos de qualité sans avoir à programmer une séance en studio. « J’ai été surprise de me voir en photo devant un supermarché. L’image était belle et bien cadrée. J’ai décidé de l’acheter pour immortaliser le moment », témoigne Carine Diffo, une habitante du quartier Bonamoussadi.

Si cette pratique séduit de nombreux clients, elle suscite aussi des critiques. Certains estiment qu’elle viole la vie privée et que les photographes devraient demander l’autorisation avant de capturer un visage. « C’est de l’intrusion ! On ne peut pas prendre en photo quelqu’un sans son accord et lui proposer ensuite de l’acheter. C’est un manque de respect », déclare Hervé Tadiffo, un usager qui s’est retrouvé photographié à son insu devant un centre commercial. D’autres encore dénoncent un manque de professionnalisme dans cette nouvelle vague de photographes urbains. « Tout le monde s’improvise photographe aujourd’hui, mais la photographie, c’est un art qui demande de la technique », critique un photographe de studio du quartier Akwa. Malgré les controverses, ces photographes de rue s’imposent progressivement et modernisent l’image du métier. « Ces initiatives sont encourageables », affirme Nicalor Moulong, artiste photographe, infographe.

En effet, dans ces studios photo professionnels, ils proposent des services plus élaborés, notamment des shootings professionnels, des retouches approfondies, des portraits de famille, des photos de mariage, ce qui est différent de ce que font les jeunes dans la rue. Loin d’être une concurrence, cette pratique semble plutôt élargir le marché de la photographie. Selon ces derniers, elle permet de redonner à l’image imprimée une place importante à l’ère du numérique. De plus, certains professionnels du secteur y voient une opportunité de diversification. « Ces jeunes réinventent la photographie. « Il faut juste qu’ils s’organisent mieux et respectent certaines règles d’éthique », poursuit-il. Cette nouvelle pratique de la photographie surprise est donc bien plus qu’un simple phénomène de mode. Elle témoigne de l’ingéniosité et de l’adaptabilité des jeunes camerounais dans un marché en constante évolution.

   Charles Totchum

About Post Author

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
14 + 12 =


Enregistrez vous à notre newsletter