Crise post-électorale: Accalmie précaire à Douala

Entre interdiction de rassemblements, déploiement policier et colère populaire, la capitale économique a connu une journée de « heurts » ce dimanche 26 octobre.

Dimanche 26 octobre 2025, il est un peu plus de 16 heures à Douala. Le soleil s’incline sur la ville, mais l’air reste lourd, chargé de tension. Au quartier New-Bell, dans le deuxième arrondissement, des cris éclatent soudainement près de l’hôtel La Côte : un nouveau face-à-face oppose manifestants et forces mixtes de maintien de l’ordre (FMO). En quelques minutes, la scène bascule. Les motos sont confisquées, les jeunes interpellés, et une épaisse fumée s’élève sur l’axe menant à la mairie du 2ᵉ arrondissement.

« On fermait la boutique quand tout a commencé », raconte Jeanine, vendeuse de pagnes, encore tremblante. Autour d’elle, les rideaux métalliques se baissent dans la précipitation, les rues se vident. Les plus courageux tentent de sauver quelques marchandises. À l’angle du carrefour Shell, le dispositif sécuritaire se renforce : casques, boucliers, sirènes. Douala entre dans une de ces fins d’après-midi où le temps semble suspendu.

Vers 17 heures, les échauffourées reprennent. Cette fois, les manifestants arrivent de l’ancien Collège des Nations. Le véhicule antiémeute fait irruption, dispersant la foule sous un nuage de gaz lacrymogène. Les FMO avancent en tirant en l’air. « Ils criaient, mais dès que la fumée est montée, tout le monde a couru », souffle un jeune homme, essuyant la sueur de son front. Un peu plus loin, un véhicule est en feu au lieu-dit Collège Évangélique. L’odeur du caoutchouc fondu se mêle à celle de la peur.

Puis vient un calme étrange. La ville semble s’être vidée d’un coup. Seuls quelques policiers patrouillent encore, armes au poing, le regard fixe. Les motos saisies s’entassent dans les pick-up. « C’est une accalmie trompeuse », glisse un habitant du quartier, observant la rue depuis son balcon. « On sait que tout peut repartir d’un moment à l’autre ». Cette tension s’inscrit dans un contexte national « explosif ». Le gouvernement a interdit tout rassemblement jusqu’à la proclamation, lundi 27 octobre, du vainqueur de la présidentielle du 12 octobre dernier.

Malgré cela, plusieurs dizaines de personnes ont bravé l’interdiction, notamment près de l’aéroport de Douala. La veille, samedi, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a mis en garde contre « des appels à manifester qui créent incontestablement les conditions d’une crise sécuritaire ». Face à la montée de la colère, le Bureau exécutif du Littoral du Syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc) a publié, dans la matinée du dimanche, un communiqué appelant ses membres à la prudence : « Priorisez votre sécurité personnelle et restez à distance des foyers de tension », a rappelé le texte signé par son président, Yannick Bezang.

Lorsque nous allons sous presse, Douala tente de retrouver son souffle. Les sirènes se sont tues, mais la ville reste sous haute surveillance. Les habitants, partagés entre soulagement et crainte, attendent la journée du lendemain avec appréhension. « On prie seulement que demain ne soit pas pire », murmure Aline, vendeuse à New-Bell. La nuit tombe donc sur une cité aux « nerfs à vif ». L’accalmie qui s’installe n’a rien de rassurant, selon les Doualais. Pour eux, c’est celle d’un orage qui s’éloigne, sans qu’on sache s’il reviendra.

Hélène Tientcheu

 

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