Ordures à Yaoundé et Douala: Un sociologue propose de décentraliser la gestion

Dans une lettre ouverte adressée aux maires de Douala et Yaoundé, devenue virale sur les réseaux sociaux, le sociologue Dr. Roméo Tchanga, dénonce l’échec du modèle centralisé et propose une alternative basée sur la décentralisation, à quelques jours des États généraux sur la salubrité urbaine.
Intitulée « Lettre ouverte aux maires des villes de Douala et Yaoundé », le texte signé par le sociologue Dr. Roméo Tchanga ne mâche pas ses mots et ce, à quelques semaines des États généraux sur la gestion des déchets urbains, prévus du 6 au 7 mai prochain à Yaoundé. Le constat est sans appel : Douala et Yaoundé, les deux plus grandes villes du Cameroun, sont englouties sous les déchets. « Symboles de dynamisme et de vitalité » hier, elles sont devenues, selon l’auteur, « une risée internationale » et le théâtre d’un « désastre sanitaire et environnemental ». Pour lui, l’insalubrité y atteint des niveaux critiques, à l’origine de maladies récurrentes, de la pollution de l’air et des eaux, et d’une dégradation inquiétante du cadre de vie.
Quartiers étouffés par les immondices, marchés envahis de sacs plastiques, caniveaux obstrués, fumées de déchets brûlés à l’air libre… L’auteur dresse un tableau saisissant de la réalité quotidienne des citadins. Derrière cette situation, un coupable est pointé du doigt : le modèle centralisé de gestion des déchets, incarné par la société Hygiène et salubrité du Cameroun (Hysacam). Selon le Dr. Tchanga, ce système, « budgétivore et dépassé », impose des solutions standardisées, inefficaces face à la diversité des réalités locales. « Les communes sont marginalisées, privées de ressources et de marges de manœuvre », déplore-t-il.
Mais plus qu’un réquisitoire, la lettre se veut surtout un appel à l’action. Le sociologue y voit une opportunité unique : exploiter les mécanismes de décentralisation prévus par la Constitution pour instaurer un nouveau modèle de gestion des déchets. Il plaide pour une autonomie renforcée des communes d’arrondissement, soutenues par des budgets spécifiques et des outils de gouvernance adaptés, comme la création d’Agences Municipales de Salubrité. Cette stratégie permettrait d’adapter les solutions aux contextes locaux : mini-centres de tri à Deïdo (Douala), compostage communautaire à Nkolbisson (Yaoundé), ou encore brigades vertes dans les marchés populaires. Elle favoriserait aussi l’implication citoyenne et la création d’emplois verts dans une logique d’économie circulaire.
Pour étayer son propos, Dr. Tchanga cite des exemples concrets venus du continent. À Durban (Afrique du Sud), les coopératives communautaires ont permis de réduire de 40 % les déchets enfouis. À Bamako (Mali), les « brigades vertes », financées par des taxes locales, ont fait chuter les dépôts sauvages de 60 % en trois ans. Ces réussites montrent que des solutions africaines, décentralisées, peuvent fonctionner. « Ce ne sont pas des utopies », insiste le sociologue, « mais des choix politiques courageux ».
Loin de prôner l’éviction totale de Hysacam, la lettre invite à reconfigurer son rôle. L’entreprise, selon l’auteur, devrait se recentrer sur les missions techniques lourdes et accompagner les communes dans la formation, la logistique et le traitement des déchets spécifiques. Elle pourrait également soutenir la construction d’infrastructures modernes de valorisation énergétique, à l’image de l’usine Reppie à Addis-Abeba.
Hélène Tientcheu