Déchets: Douala mise sur les quartiers pour inverser la tendance

Le projet AQP III, lancé le 25 juin 2025, place les habitants des quartiers populaires au cœur d’une stratégie locale de gestion des déchets ménagers.

Dans une ville qui produit chaque jour plus de 2 500 tonnes de déchets, l’équivalent de 60% des ordures ménagères des zones urbaines camerounaises, la gestion des déchets devient une urgence sanitaire, écologique et sociale. C’est dans ce contexte critique que le Comité diocésain des activités sociales (Codas)-Caritas a officiellement lancé, le 25 juin 2025, la Phase III du Projet AQP (Amélioration des Quartiers Populaires), un programme novateur de gouvernance urbaine et d’assainissement à Douala.

Lors de la cérémonie organisée au siège de Codas-Caritas, en présence d’acteurs institutionnels, religieux et communautaires, le constat était unanime : l’insalubrité dans les quartiers populaires est devenue un frein majeur au développement. Les déchets ménagers, composés à près de 70% de matières biodégradables, s’amoncellent dans des zones à forte densité, aggravant les risques de maladies, les inondations et la pollution. De l’avis d’expert, si les politiques publiques de gestion des déchets existent, leur efficacité reste limitée. « Les plans communaux peinent à atteindre les zones périphériques, souvent oubliées par les services d’hygiène. Manque de moyens, faible coordination, absence de sensibilisation : autant de limites qui laissent des pans entiers de la ville livrés à eux-mêmes ».

C’est précisément là que le Projet AQP III veut intervenir. En misant sur la mobilisation citoyenne, l’éducation communautaire et l’appui aux dynamiques locales, Codas-Caritas propose une réponse participative, inclusive et durable. « Il s’agit de sensibiliser et de renforcer les capacités des habitants à travers des actions concrètes : tri sélectif, nettoyage collectif, revalorisation des déchets », explique Léon Yanda, coordinateur du projet. L’objectif : faire des habitants des quartiers populaires les premiers acteurs de leur environnement. Le projet s’adresse non seulement aux riverains, mais aussi aux start-up locales de recyclage, aux associations de jeunes, aux médias et aux entreprises.

Cette approche multiacteurs, soutenue par les autorités municipales et religieuses, vise à créer un écosystème décentralisé de gestion des déchets. Pour Arnaud Noukeu, membre de l’équipe AQP, « la clé du changement réside dans la responsabilisation des communautés et la valorisation des solutions issues du terrain ». Cette initiative, bien que portée par une organisation d’inspiration ecclésiale, s’inscrit en complément des efforts publics et entend renforcer les stratégies nationales existantes. La présence du 4e adjoint au maire de Douala 3e, représentant les collectivités territoriales, et du recteur Abbé Zongo, en tant que délégué de l’Archevêque Samuel Kleda, montre la volonté de coordination entre acteurs civils, religieux et institutionnels.

Au-delà de l’assainissement, AQP III propose un véritable projet de société. Il réinvente la gestion des déchets comme une opportunité de gouvernance participative, de cohésion sociale et de développement local. Il redonne aussi du sens à l’action collective dans des quartiers longtemps perçus comme des passifs urbains. À travers ce projet, les habitants deviennent moteurs de solutions, et les déchets, une ressource à revaloriser plutôt qu’un problème à contenir.

Hélène Tientcheu

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