Affaire MRC contre Elecam: « Le refus de la Cour d’Appel de trancher […] constitue un déni de justice »

Dans une tribune devenue virale sur les réseaux sociaux, Me Christian Ntimbane Bomo, candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2025, analyse la décision d’irrecevabilité pour incompétence de la Cour d’Appel concernant la publication de la liste électorale nationale.
Il soulève des interrogations profondes sur le respect de l’État de droit au Cameroun. Pour lui, après l’intervention décisive du Conseil constitutionnel, le déni de justice apparaît désormais clairement, menaçant l’accès des citoyens à la justice dans un contentieux crucial lié à cette publication.
Il est de droit établi que lorsqu’un État voit ses juridictions déclarer leur incompétence matérielle à juger une affaire, laissant ainsi le justiciable dans l’expectative ou l’impossibilité d’obtenir une décision de droit, il y a déni de justice. Il ne suffit donc pas pour les juges de rédiger un acte appelé « décision » pour échapper à la qualification de déni de justice. En effet, le juge est tenu de dire le droit. D’ailleurs, le déni de justice signifie également un refus de rendre justice.
Dans le cas d’espèce, le Conseil constitutionnel, dont les décisions s’imposent à toutes les juridictions camerounaises, conformément à l’article 50 de la Constitution, a statué le 21 janvier 2025 dans sa motivation décisoire que la Cour d’Appel est compétente pour connaître du contentieux relatif à la publication de la liste électorale en cas de rejet par Elecam.
Nous rappelons à toutes fins utiles l’article 50 de la Constitution et cette motivation du Conseil constitutionnel concernant la compétence de la Cour d’Appel pour connaître des recours en appel relatifs à la publication de la liste électorale nationale : Décision du Conseil Constitutionnel du 21 janvier 2025 : « Qu’il en résulte que toute contestation relative à la liste électorale nationale doit être préalablement portée devant le Conseil électoral, et en cas de rejet, devant la Cour d’Appel compétente ».
Et conformément à l’article 50 de la Constitution, cette décision liait la compétence de la Cour d’Appel en cas de rejet de la contestation soulevée préalablement devant Elecam : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent… à toutes les autorités juridictionnelles ».
Aussi, il convient de préciser que l’article 4 de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation du Conseil constitutionnel dispose que : « Les décisions et avis du Conseil constitutionnel sont motivés ». Ce qui signifie que le Conseil constitutionnel indique dans sa décision que sa motivation est sa décision. C’est ce que l’on appelle en droit : motifs décisoires.
Ainsi, lorsque le Conseil constitutionnel se prononce sur un point de droit ou interprète un point de droit, celui-ci est opposable à toutes les juridictions camerounaises, conformément à l’article 50 de la Constitution susmentionné.
La Cour d’Appel a donc, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 21 janvier 2025, ce qu’on appelle : compétence liée.
La décision prise par le Conseil constitutionnel sur la compétence de la Cour d’Appel comme juridiction de recours devient donc une source créatrice de droit au même titre, et même plus que la loi, vu son caractère inattaquable et sans recours.
Toute juridiction de l’État du Cameroun a dès lors l’obligation de s’y conformer. De ce fait, il ne revient à aucun juge camerounais, même pas à ceux du Conseil constitutionnel eux-mêmes, de revisiter la position du Conseil constitutionnel sur ce qu’il a décidé : que la Cour d’Appel est compétente en cas de recours relatif à la contestation de la publication de la liste électorale nationale rejetée par Elecam.
En conséquence, la Cour d’Appel ayant refusé à son tour, après le Tribunal de grande instance et le Conseil constitutionnel, de connaître de ce litige pour incompétence matérielle ou d’attribution, il y a dès lors, et forcément, dénis de justice, soit du Tribunal de grande instance, soit du Conseil constitutionnel, soit de la Cour d’Appel ».
Christian Ntimbane Bomo