Présidentielle 2025: Polémique autour d’une mobilisation pour Paul Biya

Prévue le 10 mai à Maroua, cette initiative de rassembler 100 000 jeunes est désapprouvée non seulement par le parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, mais aussi par la jeunesse locale, qui appelle à des actions concrètes plutôt qu’à la courtisanerie.
L’annonce a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le paysage politique camerounais. Le 10 avril 2025, un communiqué signé d’Elhadj Boukar Abdourahim, présenté comme coordonnateur général de l’opération « Extrême-Nord 100.000 Jeunes unis derrière le Président Paul Biya en 2025 », appelle à une démonstration de force le 10 mai prochain à Maroua. Sous le « haut patronage » du président de l’Assemblée nationale Cavaye Yeguie Djibril, la manifestation se veut un acte de soutien massif à la candidature de Paul Biya à la présidentielle d’octobre.
Mais en quelques heures, ce qui devait être une célébration de loyauté s’est transformé en contestation. Car, contre toute attente, c’est le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) lui-même qui sonne la charge contre cette initiative. Dans un communiqué officiel publié le 11 avril, le parti désavoue formellement la mobilisation, affirmant n’en avoir jamais validé l’organisation. « Cette initiative n’a, en aucun cas, été approuvée ni par les organes compétents du Parti au niveau régional, ni par les hautes instances du Comité central », insiste le communiqué signé du professeur Jacques Fame Ndongo, Secrétaire à la Communication du Rdpc.
Le parti appelle Elhadj Boukar Abdourahim à « surseoir immédiatement » à cette action, jugée non conforme aux procédures internes du parti. Si le désaveu du Rdpc a surpris, c’est la réaction virulente d’une partie de la jeunesse de l’Extrême-Nord qui a véritablement bouleversé les lignes. Dans une déclaration largement relayée sur les réseaux sociaux, des jeunes, réunis autour du Collectif mené par Hamadou Bachirou, dénoncent une instrumentalisation politicienne. « La jeunesse du Septentrion refuse d’être réduite à de simples outils électoraux », clament-ils.
Des actions concrètes pour le Septentrion
Le ton est sans équivoque. Pour ces jeunes, les véritables priorités sont ailleurs : éducation, emploi, accès à l’eau, santé, sécurité. Le Collectif ironise même sur la mobilisation prévue, proposant à la place des actions concrètes : « Opération 10.000 microprojets », « 100.000 actes de naissance », « 100.000 tables-bancs ». Une manière cinglante de rappeler les urgences de la région, bien souvent reléguées au second plan des discours politiques. La controverse autour de la mobilisation de Maroua agit comme un révélateur d’un malaise plus profond. L’Extrême-Nord, région longtemps acquise au pouvoir central, exprime aujourd’hui un ras-le-bol de plus en plus audible. Chômage endémique, infrastructures dégradées, promesses électorales non tenues (comme les 3000 forages jamais réalisés) … la lassitude est palpable.
Dans son message adressé aux jeunes de l’Extrême-Nord, le Collectif exhorte ces derniers à « refuser d’être les figurants d’un théâtre politique ». Ces jeunes croient d’ailleurs que ce type d’initiative n’aide pas le Président Paul Biya qu’elle prétend soutenir. « Instrumentaliser la misère de notre jeunesse pour des intérêts politiques à court terme ne grandit pas la cause que l’on prétend défendre. Si les organisateurs de cette manifestation veulent véritablement soutenir le Chef de l’État, qu’ils le fassent en apportant des solutions concrètes aux maux qui gangrènent notre région, en travaillant à redorer son image par l’action, non par la mise en scène ».
Pour de nombreux observateurs, cette opposition frontale à une initiative de soutien au Président en exercice est inédite dans une région aussi symbolique politiquement. Et elle marque peut-être le début d’un nouveau rapport entre les jeunes du Septentrion et les figures traditionnelles du pouvoir.
Hélène Tientcheu