Oeufs: La production étouffée par la rareté des intrants et les taxes

Alors que la Journée mondiale de l’œuf a été célébrée à Douala, les acteurs de la filière avicole tirent la sonnette d’alarme : la production s’effondre, les fermes ferment, et la survie du secteur dépend désormais d’un soutien urgent de l’État.

La Journée mondiale de l’œuf, célébrée tous les 10 octobre de chaque année, a été commémorée le 21 octobre 2025 à Douala, sous des airs de bilan préoccupant pour l’aviculture camerounaise. Réunis à l’initiative de l’Association des journalistes camerounais pour l’agriculture et le développement (Ajcad), les professionnels du secteur ont dressé un constat sans appel : la production nationale d’œufs, de poussins et de poulets a chuté à des niveaux inédits.

Selon François Djonou, président de l’Interprofession avicole du Cameroun (Ipavic), « de grandes fermes de plus de 200 000 pondeuses ont fermé leurs portes ». Une situation aggravée, dit-il, par la pression fiscale locale qui « ne tient pas compte des difficultés réelles du secteur ». Les producteurs, déjà fragilisés par la flambée du coût du maïs et les effets du changement climatique, se voient encore « traqués » par les impôts. « Malgré la baisse de l’activité, les contrôles se multiplient. Certains ont dû réduire leur effectif à 20 %. Cette pression décourage ceux qui essaient encore de tenir », déplore-t-il.

Au-delà de la fiscalité, la rareté des intrants, notamment du maïs, constitue le nerf de la crise. François Djonou, évoque « une conjoncture difficile marquée par la hausse vertigineuse du prix des céréales ». Le kilo de maïs, principal ingrédient de l’aliment pour volailles, est passé de 170 à 350 FCFA, soit un doublement en quelques années. « Cette denrée représente près de 60 % de l’alimentation de la poule. Avec la guerre en Ukraine, la pandémie de Covid-19 et les épisodes de grippe aviaire, les coûts se sont envolés », explique-t-il.

Les conséquences sont visibles, d’après le président de l’Ipavic : le cheptel national, qui comptait près de 9 millions de poules en 2018, n’en compte plus que 5 millions aujourd’hui. Une chute brutale qui menace l’équilibre de toute la filière. « Nous avons adressé plusieurs courriers pour solliciter l’aide de l’État, notamment pour obtenir 9 000 tonnes de maïs. Jusqu’à présent, nous n’avons pas encore eu de réponse », confie François Djonou.

Pourtant, le Cameroun a déjà su rebondir par le passé. Après la crise de grippe aviaire de 2006, rappelle-t-il, « l’État avait importé 4 200 tonnes de maïs et octroyé des subventions pour repeupler les fermes parentales ». Mais depuis 2018, « aucun appui concret » n’a été enregistré. Cette absence d’intervention risque, selon les acteurs, d’entraver durablement la relance. Face à cette situation, le délégué régional du ministère de l’Élevage, des pêches et des industries animales du Littoral (Minepia), Victor Viban, assure que « des pistes sont à l’étude pour stabiliser les prix et améliorer la disponibilité du maïs localement ».

En attendant, le Cameroun reste confronté à une équation délicate : maintenir la production tout en gardant l’œuf à un prix abordable pour les consommateurs. « Malgré tout, souligne Victor Viban, l’œuf reste au Cameroun un produit encore accessible. Mais il faut agir vite pour que cela reste vrai ». Pour certains acteurs de la filière, dans un pays où l’aviculture représente un pan essentiel de la sécurité alimentaire, la crise actuelle sonne comme un avertissement. «La filière, jadis florissante, ne demande pas la charité, mais une politique d’accompagnement durable. Et en ce mois d’octobre consacré à l’œuf, symbole de vie et de nutrition, c’est bien la survie même de l’œuf camerounais qui se joue».

Hélène Tientcheu

 

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