Nelly Chatue-Diop: « Contribuer aux titres publics, c’est financer vos routes, hôpitaux et écoles »

Pour la promotrice de la Startup Ejara, une plateforme d’investissement et d’épargne, la digitalisation de l’épargne permet aux petits épargnants de soutenir le financement de l’État et renforcer la souveraineté économique.

Est-ce que vous pouvez revenir sur votre thème en mettant en exergue l’importance de la solution que vous proposez ?

Oui, nous avons eu beaucoup de chance d’être invités ce matin à la session de réflexion autour de la mobilisation de l’épargne populaire organisée par le Trésor du Cameroun. L’idée de mon intervention portait sur la digitalisation des souscriptions et la mobilisation de l’épargne des petits épargnants. Nous avons évoqué l’énorme potentiel de réponses à ce sujet, notamment en ce qui concerne la confiance, l’importance de la transparence et de la traçabilité pour les petits épargnants. Il est également essentiel de s’appuyer sur des plateformes déjà existantes, comme le Mobile Money, pour fluidifier tout le processus de souscription, de dépôt et de retrait de manière instantanée.

Comment lever tous les obstacles qui existent autour de ce sujet ?

Il faudrait un accompagnement renforcé du côté de la réglementation. Je pense qu’il est temps que toutes les autorités réglementaires, que ce soit la Beac, la Cobac ou la Cosumaf, se concertent pour comprendre l’importance de la mobilisation de l’épargne en dehors des ressources bancaires. Nos banques sont saturées par les titres publics. Elles ont besoin de respirer et de voir les citoyens participer également à l’effort de financement de l’État. Parce que je le dis souvent à nos clients chez Ejara : lorsque vous contribuez à une émission de titres publics, vous permettez à l’État de financer les routes sur lesquelles vous circulez, les hôpitaux dans lesquels vous soignez vos enfants, les écoles où vous envoyez vos enfants. C’est vraiment un enjeu majeur. Le directeur de la Cnps a d’ailleurs souligné cette composante de souveraineté économique. Faut-il que nos émissions soient financées par des fonds internationaux qui viennent nous imposer leurs cultures et leurs façons de voir les choses, avec des projets où nous devons réorienter nos fonds, ou voulons-nous prendre en main notre destin et cofinancer nous-mêmes nos projets pour l’avenir de nos enfants ?

Pouvez-vous nous parler de ces solutions qui permettent d’inclure le « Bayam Sellam » du marché Mokolo ou du marché Congo dans le financement de l’État ?

Tout à fait. Nous avons beaucoup parlé de la Fintech, car nous avons créé l’Association Camerounaise des Fintechs (CFIA) depuis l’année dernière. Nous souhaitons, à travers une fintech que je représente, Ejara, démocratiser l’accès à l’investissement dans les titres publics. Nous fractionnons ces titres publics en parts de 1 000 F CFA, ce qui permet à tout un chacun, y compris aux « Bayam Sellam » – nous avons beaucoup de Benskineurs et de femmes qui vendent du poisson braisé dans la rue, ainsi que des menuisiers – d’épargner 1 000 F CFA tous les deux jours pour fructifier leur épargne et aussi contribuer au financement des États de la zone Cemac. Nous avons projeté une vidéo de 5 minutes, que je vous encourage à aller regarder sur YouTube et sur la plateforme Ejara. Dans cette vidéo, les clients partagent leurs expériences et expliquent à quel point cela leur a inculqué la discipline de l’épargne et, surtout, leur a facilité la vie. Parce que lorsqu’on est une « Bayam Sellam » et qu’on vend sur le marché, on n’a pas le temps de se lever, d’aller à la banque, de faire la queue et de discuter avec un banquier qui ne connaît pas forcément les titres publics disponibles. Mais devant son étal, avec son application mobile, et en interagissant avec les agents Ejara qui passent souvent dans les marchés, elle peut tout faire toute seule.

Pensez-vous que l’État peut s’inspirer de cela ?

Oui, tout à fait. Je pense que si je suis invitée ici aujourd’hui, et que j’ai eu l’honneur de modérer ce panel, c’est parce que l’État observe ce que nous faisons très attentivement depuis deux ans et est désormais intéressé à aller plus loin, à passer du stade pilote à une échelle plus large.

Propos recueillis par H. T.

 

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