Lutte contre les féminicides : Une marche du Pcrn interdite à Douala

Le Parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn) dirigée par le député Cabral Libii a projeté une manifestation publique le 23 novembre 2024 dans la capitale économique mais le préfet du Wouri s’y opposé pour « risques graves de troubles à l’ordre public ».
Sylyac Marie Mvogo, le préfet du Wouri, a signé un arrêté, le 21 novembre 2024, portant interdiction d’une marche que le Parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn) souhaitait organiser à Douala le samedi 23 novembre 2024. Le Pcrn projetait cette « Marche pour la vie » sur un itinéraire allant de BP Cité à l’Esplanade de l’Hôpital Général de Douala, dans le but de dénoncer les féminicides et les violences faites aux femmes. Cette manifestation prévoyait une distribution de tracts de sensibilisation, une marche et des interventions publiques, dont une conférence-débat.
Dans l’arrêté préfectoral, le préfet justifie son interdiction par des « risques graves de troubles à l’ordre public ». Il met également en garde contre toute violation de cette décision, précisant que les contrevenants s’exposent à des sanctions conformément à la réglementation en vigueur. L’exécution de l’arrêté a été confiée aux sous-préfets du Wouri, aux autorités de la gendarmerie ainsi qu’aux commissaires de la ville de Douala.
Cette interdiction a suscité une vive réaction au sein du Pcrn, qui estime que la mesure vise à faire taire toute contestation concernant la question des violences faites aux femmes. Serge Olama, Secrétaire national à la Jeunesse du Pcrn, dénonce ce qu’il considère comme une « violation flagrante » de la loi n° 90-55 du 19 décembre 1990, qui régit les réunions et manifestations publiques au Cameroun. Selon lui, l’argument des « risques graves de troubles à l’ordre public » est un simple prétexte pour éviter de traiter les violences envers les femmes. « Cette interdiction est la preuve que le régime de Paul Biya ne veut pas s’attaquer sérieusement au problème des féminicides », a-t-il martelé.
Il est soutenu dans ses propos par l’Hon. Rolande Ngo Issi, députée Pcrn, qui considère cette décision comme un manque de considération pour les droits des femmes. « Cette interdiction montre l’indifférence des autorités face aux problèmes cruciaux qui touchent les femmes. Le droit à la sécurité et à la vie de la femme est inaliénable, et il devrait être une priorité nationale », a-t-elle dénoncé, avant de s’interroger : « Qu’est-ce qui dérange tant que des citoyens se rassemblent pour dire non à un fléau qui tue nos filles, nos sœurs et nos mères ? »
Les militants du Pcrn rappellent qu’il ne se passe presque plus une journée sans qu’un nouveau cas de violence à l’encontre des femmes ne soit signalé dans le pays. D’après eux, ces violences, souvent fatales, n’attirent que peu d’attention de la part des autorités, qui semblent plus préoccupées par l’organisation de meetings politiques de soutien au régime. « Les violences contre les femmes sont en constante augmentation, et pourtant, les autorités semblent plus intéressées à organiser des rassemblements pour célébrer Paul Biya que d’agir concrètement pour la sécurité des femmes », déplore Serge Olama.
Les chiffres sont en effet alarmants. En juin 2024, la chaîne Griote TV, spécialisée dans la lutte contre les violences faites aux femmes, rapportait déjà le meurtre de 14 femmes par leur conjoint depuis le début de l’année 2024 au Cameroun. Ce chiffre a depuis augmenté. Lors de la conférence semestrielle des gouverneurs en décembre 2023, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, révélait que plus de 80 femmes et jeunes filles avaient été tuées, battues ou assassinées par leur partenaire au Cameroun au cours de l’année 2023. Ces meurtres sont souvent justifiés par des accusations d’infidélité ou d’agressions verbales, tandis que les femmes, de leur côté, évoquent davantage des problèmes d’incompatibilité d’humeur.
Dans son discours, le ministre Paul Atanga Nji avait même ironisé sur les causes invoquées par les agresseurs, déclarant : « En réalité, les hommes qui ont peur de la bouche des femmes ne doivent pas se marier ».
Hélène Tientcheu