Caisses des dépôts et consignation : Après Yaoundé, Libreville renie l’autorité de la Cobac

Alors que la Commission bancaire de l’Afrique centrale tente vainement d’élargir son champ d’action en dehors des banques commerciales et des établissements de crédits, le Gabon a servi, le 15 avril, le 14 avril dernier, une fin de non-recevoir à ce régulateur de la Banque centrale communautaire.
C’est au tour du Gabon de dénier toute autorité de supervision à la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) au sujet de sa Caisse des dépôts et consignations (Cdc). En effet, dans une correspondance envoyée le 14 avril dernier au gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac), Marius Issa Nkori, l’administrateur directeur général (ADG) de la CDC au Gabon révèle a été saisi de la tenue d’une séance de travail prévue le 15 avril à Yaoundé, capitale du Cameroun. L’ordre du jour devait porter sur les propositions de textes de supervision des Caisses de Dépôts et consignations (CDC) de la Cemac (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad) par la Cobac coiffée par la Beac. Mais curieusement, révèle le responsable gabonais, il a été surpris que ladite réunion n’a pas été repoussée alors que l’agenda politique au Gabon était chargée, notamment pour ce qui concerne l’élection présidentielle.
Toutefois, malgré l’absence de son pays à cette réunion, l’ADG gabonais affirme que, l’analyse du cadre juridique applicable met en évidence plusieurs éléments clés qui permettent d’évaluer la légitimité de la supervision renforcée de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) par la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC). Partant de ce constat, déclare le responsable gabonais, « au niveau national, l’ordonnance n° 024/PR/2010 du 12/10/2010 portant création et organisation de la CDC établit clairement que cet établissement relève de la souveraineté de l’Etat gabonais (article 2). Elle définit la CDC comme une institution publique à caractère financier, distincte des établissements bancaires et des établissements de crédit ».
Argumentaire juridique
Il précise le champ d’action de la Cobac qui, à l’en croire, est spécifiquement chargée de surveiller les banques et établissements de crédit (banques commerciales, établissements de microfinance, institutions financières spécialisées). La Convention de l’Union Monétaire de Afrique Centrale (UMAC) de 1994 (notamment dans ses articles 29 et 32) qui précise les objectifs principaux de l’UMAC, notamment l’adoption d’une réglementation bancaire harmonisée, le renforcement de la réglementation communale en matière bancaire et financière, et la garantie de leur contrôle.
« Le principe de subsidiarité, qui est un principe fondamental du droit communautaire, stipule qu’une autorité régionale ne peut intervenir que si les mécanismes nationaux sont défaillants ou insuffisants. Dans le cas présent, la CDC dispose déjà d’un cadre de supervision établi par la loi nationale, ce qui renforce l’argument selon lequel la COBAC ne peut justifier son intervention », écrit Marius Issa Nkori.
Il pose donc la question suivante : la Cobac peut-elle superviser la CDC du Gabon ? Sa réponse à cette interrogation est qu’en l’état actuel du droit, la réponse est négative. « La COBAC a pour mission principale de superviser les banques et établissements financiers soumis à des règles prudentielles. Or, la CDC: n’est ni une banque commerciale ni un établissement de crédit et ne collecte pas l’épargne du public au sens strict (elle reçoit des consignations et des dépôts réglementés) ».
Aussi, indique le Gabonais, étant donné que la troisième réunion organisée par la Beac pourrait éventuellement être la dernière consultation avant transmission du dossier au Conseil des Ministres de la CEMAC, a été maintenue pour le 15 avril 2025, il prie le gouverneur de bien vouloir tenir compte de cet argumentaire.
Manœuvres à la Beac
A cette réponse claire du Gabon qui dénie toute autorité de supervision de ses activités à la Cobac, le gouverneur de la Beac, lui, a quand même produit un communiqué final selon lequel : « Au terme des échanges fructueux et constructifs, marquant la fin des travaux de ce groupe, un consensus s’est dégagé sur la pertinence et la qualité de l’avant-projet de texte relatif à la gestion des comptes inactifs et des avoirs en déshérence ; tandis qu’au détriment de la majorité, les deux [Cameroun et Gabon] CDC en activité se sont dites opposées à celui relatif à la supervision totale de leurs activités par la Cobac, privilégiant une supervision partielle, limitée à leurs activités bancaires ».
Maixent Fegue