Présidentielle 2025: Le Rdpc bat campagne avant l’heure
Alors que Paul Biya reste silencieux sur sa candidature, ses fidèles sont déjà engagés, certes en rangs dispersés, dans la campagne pour sa probable reconduction en octobre prochain.
À quelques mois de l’élection présidentielle prévue pour octobre 2025, officiellement, rien n’a commencé. Pourtant, dans les coulisses du pouvoir, les lignes bougent. Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), parti au pouvoir depuis plus de quatre décennies, semble engagé dans une campagne aussi insidieuse que méthodique. À Yaoundé, l’image du président Paul Biya, 92 ans, s’impose dans les rues à travers une campagne d’affichage. Aussi, au centre de cette dynamique, un homme attire de plus en plus l’attention : Ferdinand Ngoh Ngoh, Secrétaire général de la présidence de la République.
Longtemps confiné à son rôle technique de transmission et d’exécution des « hautes instructions » du chef de l’État, Paul Biya, le haut commis de l’État, d’ordinaire discret, se fait plus visible, plus audible, et surtout, plus politique. Il a multiplié récemment les déplacements à travers le territoire national. En mars 2025, Ferdinand Ngoh Ngoh s’est rendu dans plusieurs zones stratégiques : l’Extrême-Nord, la Lékié, et Douala. Officiellement, il y a représenté le président de la République pour des inaugurations ou des consultations locales.
Le 14 mars, il a présidé l’ouverture du Centre de production des titres identitaires pour le Littoral et le Sud-Ouest, avant de visiter le port autonome de Douala. Pourtant, ces activités ont pris une tout autre dimension quand on observe leur fréquence, leur ciblage géographique et les messages délivrés sur place. À travers ces déplacements, le Sgpr a multiplié les échanges avec les élites locales, les autorités religieuses et les représentants de la société civile. À Douala, sa rencontre avec l’archevêque Samuel Kleda, « critique notoire » du régime, a illustré une volonté « d’anticiper » et de « contenir » les « dissensions ».
Ce dernier avait récemment jugé « inopportune » une nouvelle candidature de Paul Biya, après plus de 40 ans au pouvoir. Dans le Septentrion, où des voix se sont également élevées pour réclamer l’alternance, Ferdinand Ngoh Ngoh a écouté, rassuré, et évoqué des solutions concrètes aux difficultés locales. Pour nombre d’analystes, il s’agit d’une « campagne par procuration » menée au nom du président sortant, afin de tester la solidité des bastions électoraux traditionnels du Rassemblement démocratique du peuple camerounais. Certains y voient même les prémices du futur programme électoral : sécurisation du Septentrion, modernisation administrative dans les grandes villes, renforcement du lien État-population.
Le Rdpc, de son côté, ne reste pas inactif. Le 1er mars 2025, dans la ville de Zoétélé, une réunion stratégique s’est tenue sous la direction de Louis Paul Motaze, chef de la délégation permanente départementale du parti dans le Dja-et-Lobo, en présence du ministre Georges Elanga Obam et de plusieurs élus locaux. Objectif : préparer l’appareil du parti à une campagne fluide et structurée, dans la perspective de soutenir « le candidat naturel » du Rdpc.
En l’absence d’une déclaration officielle du président, la machine politique s’organise, chacun jouant sa partition. Ferdinand Ngoh Ngoh, autrefois perçu comme un discret haut fonctionnaire, semble désormais occuper un rôle plus central dans la mécanique du pouvoir. En attendant que Paul Biya rompe enfin le silence.
Hélène Tientcheu
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