Paris–Yaoundé: Coopération sécuritaire ou signal politique ?

La visite au Cameroun du 8 au 10 juin dernier, du Directeur de la Gendarmerie nationale française, Hubert Bonneau, relance les débats sur la nature des relations franco-camerounaises.
Du 8 au 10 juin 2025, le Cameroun a accueilli le Général d’Armée Hubert Bonneau, Directeur de la Gendarmerie nationale française, dans le cadre d’une visite officielle centrée sur la coopération sécuritaire. Ce déplacement, d’après le ministère en charge de la Défense, s’inscrit dans un cycle de relance des partenariats bilatéraux franco-camerounais, autour de la formation, du renseignement et de la lutte contre les menaces transnationales.
Lors de son séjour, le haut responsable français s’est entretenu avec le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense (Mindef), Joseph Beti Assomo, abordant notamment les défis liés au terrorisme, à la criminalité transfrontalière et au maintien de l’ordre dans un environnement régional en mutation. Cette rencontre a été suivie d’un programme dense : visite du Campus de l’École internationale des forces de sécurité (Eiforces) à Awae, du Groupement mobile d’intervention de la gendarmerie (Gpign) à Yaoundé, et du Centre de perfectionnement en police judiciaire (Cppj) au sein du Commandement des écoles et centres d’instruction de la gendarmerie (Cecig).
Plusieurs ateliers techniques ont également ponctué la visite, axés sur la cybercriminalité, le renseignement opérationnel et la sécurisation des zones sensibles. Objectif affiché : améliorer l’interopérabilité entre les forces, mutualiser les expertises et faire face aux menaces émergentes de manière coordonnée. Mais au-delà des aspects techniques, cette visite a suscité une onde de choc dans une partie de l’opinion publique. À l’approche de l’élection présidentielle prévue en octobre, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer ce qu’elles considèrent comme une forme d’ingérence ou de caution politique implicite apportée au régime en place.
Wilfried Ekanga Ekanga, analyste politique, évoque une continuité de l’influence française, qualifiant le déplacement du général Bonneau de « soutien diplomatique et sécuritaire déguisé » au président Paul Biya. Il y voit une manœuvre pour consolider un pouvoir vieillissant, accusé de marginaliser l’opposition et de verrouiller le jeu électoral. Pour lui, la coopération militaire actuelle masque un déséquilibre stratégique, où l’intérêt sécuritaire devient un levier d’influence politique. En réponse, les autorités camerounaises présentent cette visite comme une initiative de collaboration technique, s’inscrivant dans une tradition de partenariat de longue date, au service de la paix et de la stabilité régionale.
Toutefois, dans un climat politique tendu et marqué par des revendications souverainistes croissantes, la symbolique de cette présence étrangère de haut niveau ne passe pas inaperçue. La perception de la souveraineté nationale, les équilibres diplomatiques et l’impact sur le climat électoral sont autant d’enjeux que soulève ce déplacement, au moment où le Cameroun entre dans une période charnière. Pour analyser les dimensions symboliques, stratégiques et politiques de cette visite, nous avons rencontré Ariel Pierre Eding Enougui, politologue et diplômé de l’Iric, Expert en intégration régionale et Spécialiste des politiques de défense et de sécurité. Il répond à quelques questions clés pour décrypter les ressorts et les implications d’un partenariat qui divise.
Hélène Tientcheu