Fête de la Tabaski: Du poulet à la place du mouton

Face à la cherté sans cesse croissante de l’animal emblématique de cette célébration musulmane (mouton), plusieurs familles se tournent vers le poulet pour commémorer le sacrifice d’Ibrahim à son Dieu.   

Vendredi 6 juin 2025, au marché de chèvres de Newbell dans le deuxième arrondissement de la cité économique, l’effervescence est palpable. Ici, on ne parle pas de chèvre mais de mouton. La vraie star de la Tabaski et surtout celui qui fait exploser les budgets. Entre négociation et cris des commerçants et acheteurs, l’atmosphère est électrique. Les vendeurs tentent de convaincre une clientèle de plus en plus réticente, alors que les prix s’envolent. Le mouton vivant, prisé pour l’accomplissement du rite religieux, s’arrache entre 130 000 et 250 000 FCFA selon la taille et la provenance de l’animal. « L’an dernier, j’ai payé 90 000 FCFA pour un mouton moyen. Cette année, le vendeur me demande 170 000 FCFA pour le même gabarit ! », S’indigne Oumarou, père de famille et fidèle musulman. « C’est devenu une affaire de riches ! » s’exclame-t-il. Or les commerçants quant à eux se dédouanent. « C’est difficile à tous les niveaux, nous subissons également tant dans l’élevage de ces bétails que dans leur transport jusqu’ici », s’exprime un vendeur de moutons.

Dans ce marché en particulier, face à cette flambée de prix, de nombreux commerçants proposent une alternative, celle de la vente de viande au kilogramme. Ici, le mouton est abattu puis découpé, vendu à 8500 à 10 000 FCFA le kilogramme, une formule prisée par les familles modestes. Mais même là, la tension est palpable. « Je suis venue avec 30 000 FCFA au marché. On m’a donné à peine trois (03) kilos. Ce n’est pas suffisant pour toute la famille. Mais on fait avec », confie Aïcha, mère de quatre enfants, la mine résignée. La situation est d’autant plus préoccupante du retard de la disparition progressive des « bonnes habitudes ». Autrefois animées de chants, de préparatifs, de va-et-vient des enfants décorant la maison, de l’odeur des épices et du mouton, le rituel de distribuer de la viande de mouton au voisinage disparaît progressivement. « Avant, on faisait tout un festin. Aujourd’hui, c’est devenu une fête symbolique. Le mouton, c’est juste pour les grandes familles », soupire Halimatou, grand-mère de 62 ans à PK11.

Si le mouton est inaccessible, la fête du sacrifice ne disparaîtra pas certainement. En lieu et place du mouton, le Coran parle d’un agneau selon Aladi Amirou. Chez d’autres, le choix est fait depuis longtemps. Le mouton est remplacé par le poulet. Une substitution contrainte mais assumée, notamment chez les jeunes couples. « On a commandé deux poulets à 6 000 FCFA chacun. Ce sera notre Tabaski. Ce n’est pas ce que recommande la tradition, mais Dieu voit notre intention », expliquent Adamou et Fadima, un jeune couple vivant à Nyalla. En effet, pendant que le marché du mouton s’essouffle, celui du poulet bat son plein. À Dakar, marché populaire au cœur de Douala, les cages sont pleines, les cris des volailles se mêlent aux klaxons des motos et aux appels des vendeurs. « C’est ici que ça se passe maintenant ! », lance gaiement un vendeur. « Le poulet est devenu le mouton des pauvres. Et on vend beaucoup ces jours-ci. » Le prix du poulet varie de 4 500 à 7 000 FCFA selon le poids, avec des abattages sur place pour ceux qui souhaitent gagner du temps.

L’ambiance y est bon enfant, et les files d’attente s’allongent devant les étals. « On ne peut pas laisser les enfants sans viande. Ils ne connaissent pas encore les raisons religieuses, ils veulent juste manger », sourit Mariam, ménagère. La Tabaski 2025 à Douala révèle une réalité sociale criante : l’érosion du pouvoir d’achat redessine les contours de la tradition. Si l’acte du sacrifice reste important pour les musulmans pratiquants, la forme qu’il prend s’adapte à une conjoncture économique difficile. Heureusement qu’au-delà de la viande, l’esprit de solidarité, de partage et de prière demeure. Dans les mosquées, l’affluence est attendue ce matin du 6 juin, preuve que la foi, elle, ne dépend ni du mouton ni du poulet. L’Aïd el-Kebir, aussi appelé Aïd al-Adha, est l’une des deux grandes fêtes de l’islam, l’autre étant l’Aïd el-Fitr. Le geste central de cette fête de l’Aïd el-Kebir est le sacrifice rituel d’un animal, généralement un mouton, mais aussi parfois une chèvre, une vache ou un chameau. La viande est ensuite partagée en trois parts : une pour la famille, une pour les proches et les voisins, et une pour les personnes dans le besoin.

Charles Totchum

 

 

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